Né le 20 décembre 1969 à Leigh (Royaume-Uni), Nigel Donohue a été le directeur de la performance de British Judo de 2013 à 2025. Notre première rencontre a eu lieu en 2018 à Tel-Aviv, dans les tribunes des championnats d’Europe qui suivaient un reportage d’une semaine à l’Institut Wingate près de Netanya pour comprendre de l’intérieur le fonctionnement de l’équipe israélienne de judo. Les présentations avaient été faites par Chris Barry, un ami commun de Malin Wilson. Il s’agissait de comprendre – là encore – l’embellie, constatée depuis plusieurs mois à l’époque, des résultats du judo féminin britannique, a fortiori dans le contexte pas forcément simple consistant à (re)construire autour de la dynamique post-JO de Londres. L’échange avec le champion d’Europe 1995 des -60 kg, vainqueur du Tournoi de Paris 1993 et septième aux JO d’Atlanta, fut un moment privilégié. Un mélange d’intelligence, de modestie et de pertinence avec l’un de ces architectes de l’ombre sans qui les God Save the Queen (ou the King, désormais) retentiraient bien moins souvent. De fait, bien qu’espacés, jamais nos échanges n’ont vraiment cessé depuis. L’annonce de son départ et les échos auxquels celui-ci renvoie notre France post-JO de Paris, tout cela était l’occasion de se poser à nouveau en compagnie de celui qui est aussi à la ville le frère aîné de Jason Donohue, ancien joueur professionnel de rugby, et le père de Michael Donohue, actuellement footballeur semi-professionnel au FC United de Manchester. – JudoAKD#035.
Une version en anglais de cet entretien est à lire ici.
Tu as quitté ton poste de directeur de la performance chez British Judo le 14 mars. Pourquoi maintenant ?
Je travaille pour British Judo depuis seize années, dont douze en tant que directeur de la performance, et j’ai évolué dans la performance d’élite depuis ma retraite sportive en 1998. Les exigences et l’engagement requis par le sport de haut niveau sont exceptionnels. Il faut aborder ces postes non pas comme un travail, mais comme un mode de vie.
Après les Jeux de Paris, j’ai commencé à me demander si j’avais l’énergie pour repartir sur un autre cycle, vu les exigences intenses que ce poste implique. Notre Centre national d’entraînement est à deux heures de route de mon domicile. J’y passe trois à cinq jours par semaine, ou alors je suis à l’étranger pour assister à des compétitions internationales. J’ai pris conscience que j’avais été un père et un mari absent pendant très longtemps. Et j’ai senti que je devais maintenant davantage considérer ma famille, plutôt que le sport qui a dominé toute ma vie.
Tu as pris ce poste après les Jeux olympiques de Londres. Pourquoi toi ?
Après les Jeux de Londres, UK Sport a procédé à un examen indépendant du programme de performance du judo britannique. Notre sport ne suscitait pas beaucoup d’optimisme pour l’avenir et UK Sport a posé 23 conditions à notre financement pour le cycle de Rio, ainsi qu’un certain nombre de conditions concernant le programme et le système, axées sur la centralisation et un accent mis sur la génération d’athlètes pour de l’olympiade à venir. J’ai été entraîneur national en Écosse pendant sept ans et j’ai également travaillé en tant qu’analyste de la performance pour l’UK Sport Institute dans le cadre des cycles de Pékin et de Londres. J’étais également l’entraîneur en chef de l’Angleterre et je travaillais avec une équipe très professionnelle. Nous avions développé un programme solide avec de jeunes athlètes prometteurs issus du système de performance. De plus, j’ai été très performant tout au long de ma carrière, ce qui me conférait une grande expertise et une grande crédibilité pour occuper ce poste. Toutefois, je dois admettre que, à cette époque, je n’étais pas préparé au départ à faire face aux exigences inhérentes la fonction ainsi qu’à l’étendue des compétences et de l’expertise requises pour être directeur de la performance.

Par deux fois, en 2013 et en 2025, tu n’as commencé puis quitté ton poste qu’au mois de mars, alors que dans de nombreux pays, après un cycle olympique, le nouveau personnel est nommé dès septembre ou octobre. Pourquoi cette période de transition est-elle importante pour toi ?
Si j’ai pris mes fonctions en mars 2013, c’était en raison du temps nécessaire à la conduite et à la conclusion de l’évaluation de l’après-Jeux de Londres 2012. Après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous avons procédé à un examen approfondi du cycle, ce qui prend plusieurs mois. En outre, nous avons dû finaliser tous les travaux nécessaires à notre soumission à UK Sport LA, l’investissement ayant été confirmé en décembre pour le cycle LA. Nous avons reçu un niveau d’investissement accru de 8 075 000 £ pour les Jeux de Los Angeles 2028, soit une augmentation de 1,2 million de £ par rapport au cycle de Paris. Suite à la confirmation de l’investissement, nous avons dû travailler à la finalisation d’un budget contractuel et à la révision de la structure du personnel. Ce processus a débuté en janvier de cette année, et il a été décidé que c’était le moment pour moi de me retirer, car nous entrons dans le nouveau cycle de financement le 1er avril 2025.
Quels ont été les défis auxquels tu as été confronté lorsque tu as commencé en 2013 ? C’est intéressant vu de France puisque le nouvel encadrement a exactement les mêmes défis à relever en ce moment, c’est-à-dire gérer une nouvelle équipe juste après avoir été l’hôte des Jeux olympiques.
Il y avait effectivement un certain nombre de défis à relever avant de prendre mes fonctions en 2013. Tout d’abord, nous devions passer à un programme centralisé, mais avant cela, nous avions besoin d’un centre national de formation. Une procédure d’appel d’offres a été mise en place pour permettre aux organisations de candidater, avec un cahier des charges spécifique. Nous avons examiné un certain nombre d’installations et le campus de Walsall de l’université de Wolverhampton s’est avéré être l’offre la plus intéressante. Avant que nous puissions nous y installer, plusieurs mois de rénovation ont été nécessaires pour que les installations soient prêtes à accueillir un programme de formation à temps plein. À partir de là, nous avons dû mettre en place un système entièrement centralisé, identifier les athlètes pour le programme, recruter les entraîneurs, le personnel scientifique et médical, avant de transférer tout ce monde au Centre national d’entraînement.
Par ailleurs, il était clair que le judo, en tant que sport, n’avait aucune crédibilité dans le système sportif britannique. Il était donc essentiel d’établir des relations avec nos principales parties prenantes et, lentement mais sûrement, d’instaurer la confiance dans le système de performance de British Judo, tant sur le tapis qu’en dehors de celui-ci. Je me souviens que c’était une période très exigeante pour moi. La charge de travail, le stress, l’engagement et les apprentissages étant astronomiques au cours des quatre premières années de ma fonction.
De quoi es-tu le plus fier au sortir de ces trois cycles olympiques ?
Je suis fier de beaucoup de choses, tant sur le tapis qu’en dehors. Il y en a peut-être trop pour tous les citer, aussi vais-je tâcher d’en mettre en avant un certain nombre. Tout d’abord, nous sommes l’un des rares sports et programmes au Royaume-Uni et peut-être même dans le monde du judo à avoir un programme olympique et paralympique totalement intégré. Je pense que c’est unique. J’ai vu notre programme se développer au fil des années et aller en se renforçant. Nous avons remporté des médailles à tous les niveaux dans les deux programmes, mais le fait le plus marquant est la médaille de bronze remportée par Chelsie Giles aux Jeux olympiques de Tokyo, qui avait subi le covid cinq jours seulement avant de se rendre à Tokyo. Chris Skelley est également un athlète et une personne remarquables. Le voir remporter l’or aux Jeux paralympiques de Tokyo était incroyable d’autant qu’il a enchaîné avec le bronze à Paris. Le cycle de Paris en particulier a été très agréable car nous avons eu deux championes d’Europe, deux médaillés mondiales et deux numéros un mondiales – soit nos meilleures performances sur un cycle depuis une vingtaine d’années. En revanche nous n’avons pas eu à Paris les performances dont nous étions capables aux Jeux olympiques. Heureusement notre équipe paralympique a remporté deux médailles, ce qui a fait de Paris un cycle très positif.
Tu parlais aussi de ce qui a été évoqué en dehors du tapis.
Sur ce plan, je suis immensément fier du fait que nous soyons parvenus à rehausser le profil, la confiance, le respect et la crédibilité du judo britannique dans le système sportif du Royaume-Uni. Les gens croient fermement en notre programme de performance, ce qui se reflète dans les investissements pour LA. Nous contribuons également à l’apprentissage, à l’expérience et à l’expertise dans l’ensemble du système. C’est important car cela donne à notre sport des perspectives de soutien continu.
Enfin, je suis fier d’avoir pu travailler avec une équipe brillante – entraîneurs, personnel des sciences du sport et de la médecine, équipe dirigeante et parties prenantes. C’était un plaisir quotidien de travailler ensemble, car c’était une équipe brillante..
As-tu des regrets, malgré tout ?
On a toujours des regrets, car on réfléchit toujours à ce que l’on a accompli et à ce que l’on aurait pu faire mieux. Je suis mon plus sévère critique. Pour moi, le regret qui reste est celui de ne pas avoir vu nos masculins atteindre le même niveau de performance que notre programme féminin – mais je crois en eux sur le cycle qui mène à LA. Ils ont un grand potentiel. Paris n’étant une olympiade que de trois ans, les Jeux de Paris arrivaient trop tôt pour eux. Attention à eux pour LA et Brisbane.

Tu as bossé aux niveaux junior, senior, olympique et paralympique. De quoi un directeur de la performance a-t-il le plus besoin pour obtenir des résultats : de compétences ? De temps ? De confiance ? De budget ? De communication ? De santé ? Quels sont les points clés de la gestion du management selon Nigel ?
Un directeur de la performance doit posséder de nombreuses compétences – plus que je ne l’aurais jamais imaginé – et surtout tu ne cesses jamais d’apprendre ! Il est essentiel d’avoir une vision et d’être capable de planifier stratégiquement à la fois le cycle immédiat des Jeux et, en même temps, le cycle suivant. Il faut être un analyste de données et avoir une connaissance approfondie du système de performance à la fois national et international. En outre, vous devez être capable de diriger une équipe, de fixer des normes élevées, de montrer l’exemple et d’avoir des connaissances dans toutes les disciplines du programme afin de diriger une équipe multidisciplinaire intégrée. Vous devez être capable de nouer des relations avec les parties prenantes afin de gagner leur confiance et leur respect.
Il est essentiel de savoir rédiger des demandes de subventions et d’être capable de gérer des budgets d’investissement sur des cycles de un à quatre ans, et cela est non négociable. Le programme est incroyablement complexe – juniors, seniors, masculins, féminines, olympique, paralympiques… – et requiert la capacité de comprendre, d’analyser, de gérer et de savoir clairement où en est chaque programme à un moment donné. Tout ceci mobilise beaucoup de connaissances et d’expertise. Le directeur de la performance s’engage 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et ce poste peut être très solitaire.
Jusqu’à quel point ?
Le stress mental est énorme, car tout le monde pense que vous avez toujours les réponses, ce qui n’est pas le cas. Tout le monde pense que vous prenez toutes les décisions seul, ce qui n’est pas le cas non plus. Et, comme vous travaillez au sein d’une équipe de direction interdisciplinaire, chacun vous soumet ses problèmes et vous accuse personnellement s’il n’obtient pas ce qu’il veut. Et tout le monde vous accuse si le succès n’est pas au bout. Vous devez rester concentré, croire en votre stratégie, vos systèmes et vos processus fondés sur des données probantes, rester professionnel, vous appuyer et croire en votre équipe.
Il y a quelques mois, nous avons parlé ensemble du développement à long terme des athlètes. Penses-tu que le monde du judo devrait être plus conscient de ces aspects ? Et qu’en est-il du développement à long terme des… entraîneurs ? Je suppose que tu avais tes propres idées au début, mais que tu as aussi appris de tes erreurs. Il pourrait être intéressant de mentionner ces étapes et ces tournants.
Au cours des trois derniers cycles olympiques, nous avons vu le circuit mondial IJF se renforcer avec le nombre d’événements à travers le monde et leur qualité en termes de livraison, de présentation visuelle, d’organisation, de technologie, avec Judobase, l’IJF Live, Telegram, la communication, etc. Notre Fédération internationale offre vraiment un produit judo de classe mondiale.
Pour autant, le calendrier devient de plus en plus encombré. Or je pense qu’il doit être construit comme un programme de compétition à la fois annuel et quadriennal mais périodisé avec une saison de compétition et une saison off, pour permettre aux athlètes de se remettre des compétitions, de la gestion du poids, des voyages et des blessures et aussi, ce qui est tout aussi important, pour que les entraîneurs et l’encadrement aient le temps de récupérer, de réfléchir, de prendre du recul et de se reposer.
Intéressant…
Les exigences imposées aux entraîneurs sont exceptionnelles. Ils voyagent avec les athlètes, travaillent de très longues heures pendant la durée d’une compétition et doivent ensuite planifier, entraîner et participer à des camps d’entraînement entre les compétitions. Les entraîneurs sont plus sollicités que les athlètes, qui passent beaucoup de temps loin de leur domicile et de leur famille. Il n’est pas viable pour les entraîneurs de faire ce travail sur plusieurs cycles. Cela n’est pas propice à leur santé mentale ni à leur bien-être.
Je suppose que tu as aussi appris d’autres entraîneurs, d’autres sports ou d’autres aspects de la vie…
Si nous réfléchissions à la manière dont nous pourrions périodiser le calendrier annuel des compétitions et l’aligner sur les niveaux junior et cadet, je pense que nous développerions de meilleurs athlètes de judo pour le bénéfice du sport dans son ensemble et que nous prendrions mieux soin de nos entraîneurs et de notre personnel d’encadrement.

Par exemple, des judokas comme Chelsie Giles et Lucy Renshall ont obtenu leurs meilleurs résultats juste après le confinement. Comment as-tu réussi à transformer ce moment difficile en quelque chose de positif pour tes athlètes ?
Le covid a été difficile pour tout le monde et, malheureusement, des gens ont perdu des membres de leur famille pendant cette pandémie mondiale. S’agissant de notre programme, je pense que nous avons exceptionnellement bien géré cette période. Nous avons pris rapidement la décision, sur la base des informations fournies par le système de performance britannique et le gouvernement britannique, de fermer le Centre national d’entraînement afin que les athlètes et le personnel puissent rentrer chez eux. Nous avons réussi à faire envoyer le matériel d’entraînement à leurs domiciles avant que le Royaume-Uni ne soit fermé quatre jours plus tard. Comme tout le monde, nous avons dû nous contenter des informations que nous recevions de notre gouvernement, car le monde s’est arrêté pendant un certain temps. Compte tenu des exigences de notre programme de judo, nous avons fait de ce confinement une séquence « positive ». Nous avons fait preuve de créativité et nous avons utilisé cette période comme une période de régénération au cours de laquelle les athlètes ont pu effectuer un travail de récupération active de qualité. Évidemment, nous ne savions pas combien de temps cette période durerait.
Et elle a duré, en effet…
Au fil des semaines et des mois, nous avons progressivement ramené les athlètes à l’entraînement, dans le cadre des restrictions imposées par les directives gouvernementales, et nous les avons vu revenir avec d’excellents niveaux de forme et presque rajeunis, compte tenu des circonstances que nous avions tous vécues. Je pense que la réduction de la charge d’entraînement pendant la période de confinement et le retour progressif à l’entraînement ont aidé les athlètes à revenir en meilleure position avant la dernière période de qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo, où ils ont réalisé plusieurs performances incroyables.
L’équipe féminine britannique a effectivement obtenu d’excellents résultats à cette époque (avec aussi Sally Conway, Nekoda Smythe-Davis, Gemma Howell, Natalie Powell…). Comment expliques-tu qu’elles aient eu plus de succès que les masculins sur cette période ?
Les hommes n’étaient pas tout à fait prêts pour Tokyo, les femmes étaient déjà établies au niveau mondial et sont revenues à la compétition en réalisant des performances de très haut niveau. Les hommes ont eu besoin de plus de temps de compétition, principalement dans des épreuves de niveau inférieur, mais ils ont eu peu d’occasions de concourir jusqu’à la fin des qualifications, car il y avait un nombre limité d’épreuves, principalement du niveau des Grands Prix et des Grands Chelems.
Techniquement, la plupart de tes athlètes sont toujours très efficaces en ne waza. Est-ce parce qu’ils le travaillent davantage ou, comme l’a dit un jour Travis Stevens, parce que la plupart des autres athlètes négligent ce secteur du combat ?
La Grande-Bretagne était autrefois réputée pour son ne waza et j’ai grandi en admirant Neil Adams, Kerrith Brown et Steve Gawthorpe qui étaient de classe mondiale en ne waza. Au cours des vingt dernières années, nous étions devenus un peu moins performants dans ce secteur, mais Jamie Johnson, qui s’est entraîné avec Neil Adams, est un entraîneur de très haut niveau et il est, en particulier, très fort dans l’entraînement au ne waza. Il a travaillé avec les athlètes féminines au cours des douze dernières années environ. Le travail en ne waza a été un élément majeur dans le développement des athlètes, pour qu’elles puissent rivaliser avec les meilleures au monde. Et Jamie a joué un rôle déterminant sur ce plan.

Le 14 mai 2025 marque les trente ans de ton titre de champion d’Europe des -60 kg. Le judo a beaucoup changé depuis. Dans quels domaines a-t-il changé pour le meilleur ? Et pour le pire ?
Il est évident que les règles techniques ont beaucoup changé depuis mon époque, notamment avec la suppression des saisies de jambe. Les temps de compétition ont également été réduits de cinq à quatre minutes et le golden score a été introduit. Ce sport a évolué avec son temps et je pense que le judo s’est amélioré à bien des égards. J’aime l’idée d’un classement mondial et celle du circuit mondial IJF – nous avons juste besoin d’une saison de compétition et d’une saison off. La présentation des événements est exceptionnelle, et j’aime la technologie qui soutient les compétitions et la facilité avec laquelle nous pouvons accéder aux informations – Judobase, JudoData, IJF Live par exemple.
Cependant, au cours de la dernière olympiade, les changements de règles ont créé un style de judo plus négatif avec des pénalités qui dominent les compétitions. Les nouvelles règles introduites pour le cycle de Los Angeles devraient, espérons-le, améliorer et récompenser les judokas plus offensifs et attaquants. L’avenir nous le dira.
D’après JudoInside, ton dernier combat officiel a été contre Jamie Johnson en 1997. Il est intéressant de voir que des années plus tard, vous avez travaillé ensemble en équipe nationale. La même chose s’est produite récemment avec l’équipe de France, lorsque Christophe Gagliano, Christophe Massina et Daniel Fernandes, qui étaient rivaux pendant leur carrière, ont entraîné ensemble. Cela apporte-t-il un éclat différent, une saveur différente ou peut-être une véritable confiance lorsque l’on parle de mener ensemble un groupe à la performance ?
Oui, Jamie et moi étions rivaux pendant nos années de compétition et lorsque nous avons pris notre retraite, nous avons suivi des voies différentes en matière d’entraînement. Nous nous sommes retrouvés vers 2008 lorsque nous avons tous les deux entraîné le programme de l’Angleterre et que nous nous sommes si bien entendus. À bien des égards, nous sommes opposés, mais à d’autres égards, nous sommes très proches l’un de l’autre et totalement connectés. Notre relation fonctionne à merveille et nous nous complétons l’un l’autre. Au fil des ans, j’ai vu Jamie devenir, à mon avis, l’un des meilleurs entraîneurs du judo mondial. Il est techniquement très bon et travaille extrêmement dur pour accompagner les athlètes du programme. Il donne toujours de son temps aux athlètes, ce qui est le bien le plus précieux que nous avons tous, et le succès qu’il a obtenu parle de lui-même. C’est une boule d’énergie et il apporte une dynamique brillante au groupe. Tout athlète travaillant avec Jamie améliorera toujours considérablement ses performances en judo.
Tu t’es retiré de la compétition à l’âge de vingt-sept ans et tu es maintenant âgé du double. Le goût au moment de se retirer est-il le même ?
Le judo fait partie de ma vie depuis l’âge de neuf ans et je l’ai dans le sang. Évidemment, avec le temps, la façon de pratiquer le judo change, mais mon plaisir reste le même. La seule différence est que j’ai deux fois plus d’années !

Kate Howey, ancienne championne du monde et double médaillée olympique, te succède par intérim à la direction de la performance. Quels sont les défis qu’elle devra relever sur la route de LA et au-delà ?
Le World Class Performance Programme de British Judo est en très bonne position. Nous avons construit une base solide pour le programme au cours des douze dernières années. Nous avons mis en place un système de performance bien établi, une stratégie claire pour Los Angeles et Brisbane, un investissement accru de la part d’UK Sport et une grande crédibilité dans le système sportif britannique. Nous avons connu de nombreux succès au fil des ans, ce qui nous permet de croire que nous savons comment développer, qualifier et préparer les athlètes pour les Jeux olympiques et paralympiques, et nous avons des athlètes dans le système qui ont un grand potentiel pour réussir à Los Angeles et à Brisbane. Nous disposons également d’une équipe brillante pour soutenir la nouvelle directrice de la performance.
Elle prend les rênes d’un programme qui est en place et qui a la possibilité de passer au niveau supérieur. Le défi consistera, dans un premier temps, à saisir toutes les composantes requises pour diriger un programme de classe mondiale, les exigences du rôle et le fait d’être le leader de l’équipe en ayant la responsabilité d’être la figure de proue de notre sport pour nos membres et de représenter le judo dans tous nos programmes olympiques et paralympiques.
Tu as indiqué souhaiter consacrer davantage de temps à ta famille. C’est une équation très difficile à résoudre pour de nombreux entraîneurs en raison de l’engagement qu’exige le judo de haut niveau. Quel pourrait être un système plus juste et plus équilibré pour offrir la possibilité aux personnes engagées comme tu l’as été de passer davantage de temps avec leur famille ?
Pour réussir dans le sport de haut niveau, il faut s’engager pleinement, que ce soit en tant qu’athlète, entraîneur, pratiquant ou dirigeant. Ton temps est ton bien le plus précieux et, en tant qu’entraîneur, si tu veux réussir, tu consacreras une plus grande part de ton temps à l’entraînement qu’à ta famille. Les exigences de l’entraînement d’élite sont exceptionnelles. Comme je l’ai dit précédemment, je pense que la périodisation et la planification d’un programme de compétition annuel pourraient être mieux construites. Alterner une saison de compétition et une phase d’intersaison pourrait aider les entraîneurs à mieux équilibrer vie professionnelle et vie privée.
Quelle est la suite, pour toi ?
Je prends le temps de passer du temps avec ma famille mais je suis impatient de relever le prochain défi. J’ai passé ma vie dans le judo de haut niveau, à la fois en tant qu’athlète et en tant qu’entraîneur d’élite et directeur de la performance. J’ai participé à deux Jeux olympiques en tant qu’athlète, à quatre Jeux olympiques et à trois Jeux paralympiques, ainsi qu’à des Jeux du Commonwealth ainsi qu’à la direction d’une équipe aux Jeux du Commonwealth. Je ne peux pas compter le nombre de championnats européens et mondiaux auxquels j’ai participé, ni le nombre de compétitions internationales ou de camps d’entraînement auxquels j’ai participé au cours des quarante dernières années, ce qui m’a permis d’acquérir des expériences et des connaissances rares.
Les fonctions que j’ai occupées dans le judo m’ont permis d’accumuler une quantité incroyable de connaissances et de développer une expertise approfondie du sport de performance d’élite sur le terrain. À ce stade de ma carrière, j’aimerais faire l’expérience de travailler dans d’autres sports olympiques, paralympiques ou professionnels. Je sais que j’ai beaucoup à offrir et en même temps, j’ai encore beaucoup à apprendre.
Le message est passé. Tu as commencé le judo à l’âge de neuf ans. Si le Nigel d’aujourd’hui pouvait donner un conseil au garçon qu’il était lorsqu’il a noué sa première ceinture blanche, quel serait-il ?
Mon conseil serait de profiter du voyage. De célébrer les succès davantage que je ne l’ai fait sur le moment. De considérer que les expériences et les apprentissages que le judo t’apportera te permettront d’acquérir les compétences nécessaires pour devenir tout ce que tu aspireras ensuite à être dans la vie. – Interview par Anthony Diao, printemps 2025. Photo d’ouverture : ©Facebook British Judo/JudoAKD.
Une version en anglais de cet entretien est à lire ici.
Bonus – L’épisode JO 2024 du vlog de la -70 kg Jemima Yeats-Brown, membre de l’équipe féminine britannique de judo des années Nigel Donohue, et chroniqueuse régulière sur sa chaîne YouTube du quotidien en mouvement d’une athlète de haut niveau :
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