Née le 25 octobre 1994 à Ullapool (Écosse), et naturalisée espagnole en février 2024, Malin Wilson Claret fut dans une autre vie la… baby-sitter de mes enfants. C’était au printemps 2013, à Lyon (France). Alors âgée de dix-huit ans, la -57 kg était à la croisée des chemins d’une vie qu’elle savait déjà au fond d’elle-même appelée à être marquée par le judo. Notre rencontre fut-elle un hasard ? Difficile à croire au regard de ce qui s’ensuivra, depuis nos nage-komi de fins de séances avec le regretté Fred Cessin jusqu’à ce printemps 2024 d’échanges autour de cet ascenseur émotionnel que peut s’avérer être une dernière ligne droite olympique, en passant par de longues discussions autour du livre Secrets, etc. de Yannick Noah, des retrouvailles en Écosse ou en Autriche en en attendant d’autres, qui sait, en Espagne, en France ou en Californie. – JudoAKD#024
Une version en anglais de cet entretien est à lire ici.

Lorsque nous nous sommes connus à Lyon en 2013, tu avais dix-huit ans, un judogi avec le dossard de la vice-championne olympique britannique Gemma Gibbons et une très grande envie de t’entraîner qui nous a conduits à nous croiser voire à faire la route ensemble au Dojo Olympic, à La Doua, à Givors ou à Grenoble… Quel avait été ton parcours dans le judo jusqu’alors ?
Lorsque nous nous sommes rencontrés à Lyon en 2013, je faisais du judo dans un petit club en Écosse entre une et parfois trois fois par semaine. Ce n’était pas souvent que je pouvais pratiquer autant car j’habitais loin de tout, et mon village n’avait pas de très bons transports en commun pour accéder aux clubs de judo que je fréquentais. Lorsque j’ai terminé l’école et que j’ai économisé un peu d’argent, j’ai décidé d’aller en France pour m’entraîner, car je ne connaissais pas grand-chose au judo, mais je savais que j’aimais cette discipline et, à partir de là, j’ai rêvé de devenir un jour championne olympique. Je savais que le judo venait du Japon mais je savais aussi que les Français étaient très doués pour cette discipline et, comme je connaissais des gens en France, j’ai organisé un séjour de sept mois chez des amis de ma famille. Le projet était encore un peu confus à ce moment-là, mais il était en germe.
Lors de ce passage à Lyon, tu semblais être prise d’une boulimie d’entraînement, quitte à aller chaque soir dans un club différent. Est-ce qu’au fond ce n’est pas ce qui te convient le mieux, d’avoir un pied dans un club, un pied dans un autre, et de tracer ta route ainsi, à ta manière ?
Cela te rend plus riche, je suis d’accord à 100 %. Tellement plus riche. Connaître de nouveaux visages, de nouvelles âmes, de nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage, différentes cultures, différents dojos. Cela forme « l’histoire » de ma vie.
À cette période tu te posais beaucoup de questions sur la suite. Deux ans plus tard nous nous sommes retrouvés chez toi à Edimbourg où tu étais en colocation avec la Nord-Irlandaise Lisa Kearney, titulaire en -52 kg aux JO de Londres, et étais assidue au centre d’entraînement de Ratho. Que s’était-il passé entre Lyon et cette période ?
Entre mon séjour en France et mon emménagement à Édimbourg pour m’entraîner à plein temps au Centre national d’Écosse, ce qu’il s’est passé est très simple : je suis tombée amoureuse du judo. C’est devenu bien plus qu’une obsession. C’est devenu ce que j’attendais avec le plus d’impatience. C’est devenu ma vie.
Et puis nous nous sommes retrouvés à Mittersill début 2018, où nous avons même fait randori ensemble. Tu faisais alors partie d’une sélection britannique, mais qui n’était pas l’équipe A. Que s’était-il passé depuis Edimbourg ?
Lorsque nous nous sommes revus en Autriche, je m’entraînais toujours à Ratho en tant qu’athlète à temps plein et j’avais commencé à participer à des compétitions, même si je n’avais que très peu de succès. Fin 2017, j’ai remporté ma première médaille nationale lors des championnats britanniques, où j’ai pris la troisième place. Mes progrès étaient évidents, car je suis une travailleuse acharnée. Et même si mon judo n’était pas techniquement très bon, à Ratho j’ai appris à me battre et à survivre, et à me pousser au-delà de mes limites à chaque fois que je m’entraînais. À cette époque, j’avais développé non seulement le désir de gagner, mais aussi le sentiment de devoir le faire.
Sur ce stage d’ailleurs, tu étais médaillée nationale mais ton groupe ne se mélangeait pas à celui de l’équipe nationale britannique. Pourquoi ?
Il en a toujours été ainsi. Je ne sais pas trop pourquoi, je suppose que les rivalités écossaises et anglaises seront toujours comme ça, elles l’ont toujours été ! Dans et hors du judo. Dans le sport et hors du sport. C’est étrange de faire partie de la même équipe nationale mais d’être presque complètement séparés. Mais nous y sommes habitués, j’imagine.
Depuis, tu vis en Espagne et je vois régulièrement ton nom apparaître sur les tableaux des grands tournois. Où t’entraînes-tu et comment organises-tu ton quotidien pour tout mener de front ?
Fin 2018, je deviens championne de Grande-Bretagne pour la première fois et je remporte également ma première médaille dans un Open européen en terminant deuxième à celui de Malaga. Ces résultats me donnent les ouvertures pour pouvoir disputer des compétitions plus importantes début 2019. C’est là que je rencontre Javier Delgado qui est maintenant mon entraîneur. En 2019, je combats pour lui et son club lors des championnats d’Espagne par équipes. Je passe davantage de temps avec lui et son club, à m’entraîner et à voyager avec eux lors de camps d’entraînement en Espagne. Je me rends alors compte que non seulement j’aime l’entraînement là-bas, mais que je m’y sens aussi chez moi. Pour la première fois, j’ai l’impression de comprendre le judo. Je l’ai vraiment compris. Je comprends la façon dont Javi me l’explique.
En septembre 2019, je déménage pour vivre en Espagne. Depuis lors, je vis ici, à Móstoles, Madrid, où je m’entraîne et travaille également. Mon club et ma « maison » sont l’AJM (Asociación Judo Móstoles).
Quand je ne m’entraîne pas, j’entraîne des enfants, des classes de judo, et parfois des adultes aussi. Je travaille également en ligne en tant que nutritionniste.
Tu as obtenu quelques belles médailles au fil des années. Lesquelles t’ont rendue la plus fière ? As-tu le sentiment d’avoir atteint ton plein potentiel et, vu que tu vas me répondre non, quels sont tes objectifs à ce jour ?
Les médailles que j’ai gagnées jusqu’à présent ne sont qu’un début. Elles ne sont rien comparées aux médailles que je veux obtenir et que je m’efforce de gagner. Elles font bien sûr partie des fondamentaux de mon parcours. La médaille dont je suis la plus fière est probablement celle des Jeux du Commonwealth de 2022, car elle a été obtenue après une période très difficile pour moi, marquée par une blessure et une opération. J’ai pu me préparer suffisamment et récupérer à temps pour remporter une médaille sept mois et demi après une opération du ligament croisé antérieur et c’était important car c’est la seule médaille que j’ai pu remporter pour l’Écosse.
Cependant, comme je t’ai dit, ce n’est que le début. Mon prochain objectif est de remporter des médailles en Grand Prix et en Grand Chelem. Plus important encore, mon prochain objectif est d’accumuler des points au classement mondial et de réussir à me qualifier pour les Jeux olympiques de Paris en 2024… Je sais, je sais : personne ne connaît mon nom et personne ne sait qui je suis… pour l’instant !

En quoi cette médaille aux Jeux du Commonwealth, devant ta famille, a-t-elle validé toutes ces années d’exil et de sacrifice ?
Détrompe-toi. Je sais que c’est dur de dire ça, mais cette médaille n’était pas une finalité. Certes elle était importante pour deux choses : d’abord parce que c’était huit mois après mon opération du genou et que je tenais à prendre une médaille, même dans cet état. Mais surtout cette médaille était importante parce que c’est la seule compétition où l’Écosse peut combattre en tant qu’Écosse, et non avec le dossard de la Grande-Bretagne. C’est donc la seule fois que j’aurais SCO sur mon dos. Ça c’est spécial.
Pour en revenir à ta question, cette compétition pour moi n’avait pas plus d’importance que ça. Je veux dire : c’était incroyable, c’était super comme expérience mais, dans ma carrière c’est pas du tout la médaille que je cherche. Après, ça reste une médaille qui a eu une importance plus personnelle, une médaille importante pour mon village d’Ullapool où « la petite Malin Wilson remporte une médaille des Commonwealth Games »… Mais c’est tout. Ceci reste une médaille. Ce n’est pas la médaille.
Quelle est donc cette médaille qui te comblerait, alors ? Est-ce d’ailleurs une médaille, ou bien est-ce un titre, une émotion, une sensation ?
Jeux olympiques, championnats du monde, championnats d’Europe. Mais il faut d’abord commencer par une médaille de Grand Prix et une médaille de Grand Chelem. Ça, c’est l’objectif immédiat.
Quels ont été les entraîneurs qui ont compté dans ton parcours, et pourquoi ?
De Lyon tu veux dire ? Facile ! Lolo la big boss, ma coach au Dojo Olympic. Je me souviens aussi des mercredis sur Grenoble et sur Lyon et dans son club avec le grand Fred Cessin (paix à son âme) et quelques autres clubs avec toi, Monsieur Diao ! Il y a aussi eu Vincent Valente, Marlène Martin, Jean-Pierre Roche… Tous font partie de mon histoire et de mon voyage… Mon premier club c’était Invergordon Judo Club avec Gordie Millar et Bill Beavis. Après, quand j’ai voulu m’entraîner un peu plus, j’allais des fois à Alness avec Gordie. Et puis j’ai commencé aussi à entraîner dans un club qui s’appelle Highland Budokan avec Robert Inglis. Quand je suis arrivée à Edimbourg, Gemma Gibbons, Sally Conway, Matt Purssey, Euan Burton, James Millar, Lisa Kearney, Colin Oates, Kelly Edwards etc. faisaient encore les compètes, et puis Gemma m’a donné un kim.
Billy Cusack était l’entraîneur principal, j’allais à son club aussi, Edinburgh Judo Club. Il y a plusieurs entraîneurs qui m’ont aidé sur les années quand j’ai été à Edimbourg : Matt Purssey, Euan Burton, David Somerville, Gary Edwards, Lee Calder…
Comment ton judo a-t-il évolué au fil de ces rencontres ?
Mon judo évolue grâce au boulot sur le tatami avec Javi et tous les autres entraîneurs que j’ai croisés jusqu’à maintenant, dans les stages, etc. C’est comme si j’affine mes armes. J’apprends et j’adapte mon judo aux situations et aux rivales que je peux avoir mais maintenant en partant d’une base où, enfin, je peux dire que c’est le judo de Malin.
Et c’est quoi, « le judo de Malin », aujourd’hui ?
Le « judo de Malin » est ce que nous appelons mes techniques, ma structure et ma stratégie. Il n’y a pas de secret !
Tout à l’heure tu disais avoir compris le judo. Qu’entends-tu par là ? Pourquoi ne l’avais-tu pas compris plus tôt, selon toi ? Est-ce que c’est une affaire de pratique, de temps, de remises en question ?
C’est une question compliquée à répondre. J’avais beaucoup appris jusqu’à ce moment-là mais, en travaillant à Madrid avec Javi Delgado, j’ai commencé à beaucoup avancer et sentir que chaque pas que je faisais, chaque séquence que j’apprenais, eh bien je comprenais un peu plus mon propre judo. C’est-à-dire que petit à petit, je sentais que je commençais à avoir des armes, des vraies, et que je savais quand et pourquoi les utiliser.
Comment concilies-tu ton entraînement avec tes activités plus alimentaires ? Parviens-tu à te garder du temps pour la récupération ?
La récupération est un enjeu capital, et ceci de plus en plus. J’apprends ça aussi. Je bosse beaucoup en dehors des entraînements or je m’entraîne beaucoup, déjà ! Donc ce qu’on appelle temps libre, je n’en ai pas beaucoup mais je sens que j’arrive à me reposer et à récupérer suffisamment pour pouvoir tout donner pendant la semaine. C’est sûr qu’en travaillant autant en plus d’être un sportif c’est compliqué, mais c’est comme ça et j’ai l’habitude d’être à full. Respecter les moments de repos, c’est tout un art en fait.
Ton ambition semble aller en grandissant. Quelle influence a eu sur ton rapport au sport et à la compétition le bouquin de Yannick Noah que tu avais découvert à Lyon ?
Peut-être que ça te surprendrait, mais ce livre que tu m’avais prêté (et que j’ai fini par commander sur Amazon !) reste avec moi, et bien près de moi, même ici en Espagne. J’ai toujours en tête cette phrase : « un conseil : prenez l’habitude d’être devant ! Avoir une mentalité de champion, c’est apprendre à être devant et à choisir le chemin le plus dur. » Et celle-ci : « Faites le chemin en arrière, jusqu’à ce que les bases de votre future maison soient saines. Même s’il faut pour cela revenir à la case départ. Et là seulement, vous pouvez commencer à bâtir l’édifice de vos rêves. » Ma case départ, c’était mon arrivée en Espagne. L’édifice de mes rêves est enfin en construction.
As-tu d’autres mantras ou livres de chevet qui t’accompagnent quotidiennement comme cela ?
Jonathan Livingston le goéland, de Richard Bach !
De même, peux-tu nous donner une idée de ta journée et ta semaine-type ?
– Lundi/mercredi/vendredi : conseils de nutrition online, cours de judo pour adultes, prépa physique, déjeuner, cours pour enfants 17 h 30 – 19 h 30, entraînement de judo 19 h 30 – 21 h 30/22 h 00 ;
– Mardi : prépa physique, cours à des enfants dans deux écoles différentes 12 h 30 – 17 h 40, entraînement de judo 19 h 00 – 21 h 00 ;
– Jeudi : prépa physique, cours pour enfants dans deux écoles différentes 12 h 30 – 17 h 40, entraînement de judo 20 h 00 – 21 h 30 ;
– Samedi : prépa physique, conseils de nutrition online, kiné ;
– Dimanche : préparation de la semaine, courses et préparation des repas, travail en ligne sur la nutrition et la kinésithérapie, repos.

Tu vis donc en Espagne depuis 2019. As-tu parfois le mal du pays ?
Pas du tout. Je n’ai jamais eu le mal du pays. Je pense que c’est parce que nulle part je ne me suis aussi sentie « chez moi » qu’ici. J’ai simplement senti que j’étais chez moi. C’est juste un sentiment. Les gens d’ici, les miens, m’ont tout de suite fait me sentir chez moi.
Tu parlais déjà espagnol lorsque nous nous sommes connus. Où as-tu appris cette langue ?
J’ai appris l’espagnol au lycée. J’ai suivi des cours d’espagnol supérieur et avancé. Ensuite, je ne l’ai plus utilisé jusqu’en 2018 ! Comme je n’avais pas d’autre choix que de l’utiliser depuis mon arrivée en 2019, je l’ai assimilé assez rapidement. Maintenant, je pense et je rêve même en espagnol. C’est presque la seule langue que j’utilise aujourd’hui !
À la différence de nombre de tes adversaires, tu as découvert le circuit international alors que tu étais déjà senior. As-tu l’impression d’avoir des années d’avance ou des années de retard sur tes rivales, par rapport à ce décalage ?
Je vais être tout à fait honnête : ni l’un ni l’autre ! Je m’entraîne aussi dur que possible, plus fort que n’importe qui d’autre, je suis avide d’apprendre en permanence. Je me donne à fond, tout le temps. Je ne me compare à personne d’autre. Je sais simplement que j’y arriverai.
En plus de tes premiers Grands Chelems et Grands Prix, tu participes régulièrement à des opens continentaux, notamment en Afrique. Quelles sont les grandes différences entre ces différents niveaux ?
La différence est énorme. Je ne participe aux Opens lointains que si j’y suis obligée pour obtenir des points. Le niveau n’est pas comparable à celui d’un Grand Prix ou d’un Grand Chelem. Cependant, il est toujours bon d’engranger des combats et de l’expérience en la matière, ainsi que des points !
Quelle y est l’ambiance entre les athlètes ?
D’une certaine manière, tout y est plus détendu, il n’y a pas la même pression sur les athlètes lors des autres événements. Mais je préfère les Grands Prix et les Grands Chelems, même avec la pression hahaha !
Y’a-t-il eu une compétition où tu as clairement senti que tu franchissais un palier ces dernières années ?
Au Grand Prix du Portugal 2024, où je bats l’Espagnole Jaione Equisoain et fais une petite erreur ensuite sur l’ancienne n°1 mondiale, l’Israélienne Timna Nelson-Lévy. Maintenant, je me sens prête à me battre à ce niveau, si on me donne l’occasion de le faire. Je suis prête.
Tu as obtenu la nationalité espagnole fin février mais, malgré tous tes efforts, tu as posté le message ci-dessus sur Instagram le 18 mai, actant la fin de ta quête olympique 2024. Comment as-tu réussi à recharger tes batteries, cet été ?
Tout le monde a une histoire. Ceux qui remplissent les conditions requises et ceux qui ne les remplissent pas. Nous en avons tous une. Les quatre dernières compétitions qui auraient pu me permettre de me qualifier m’ont été « bloquées » et mon rêve olympique de Paris s’est donc envolé comme du sable entre mes doigts. C’était très dur. Pour la première fois de ma vie, j’ai senti que je n’avais pas envie de faire du judo. J’ai donc pris un congé pour soigner mes blessures, essayer d’autres choses, en l’occurrence la boxe, que j’ai beaucoup aimée, et prendre des vacances, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps. Mes vacances ne se sont pas déroulées comme prévu, mais elles m’ont permis de réfléchir à tout ce que j’ai de bon dans ma vie. J’en suis très reconnaissante. Elles m’ont donné le temps et l’espace nécessaires pour reprendre mes esprits et me préparer mentalement pour le prochain cycle olympique.
Tu as réussi à aller sur les Paralympiques. Raconte !
Je me suis rendue sur les Jeux paralympiques aux côtés de nombreux membres de notre club. C’était vraiment difficile d’y être. Cependant, le fait d’y être avec « ma famille » était spécial. Nous sommes allés soutenir Sergio Ibanez Bañon (médaillé d’argent des moins de 66 kg à Tokyo) et Javi Delgado. Sergio était tellement prêt à remporter l’or des moins de 73 kg. Tellement prêt ! Mais tu sais ce qu’est le judo… il ne pardonne pas ! Il s’est incliné d’entrée… Je retiens tout de même l’atmosphère, qui était irréelle. Partager quelque chose comme ça avec ses proches, c’est vraiment spécial. Comme nous le disons toujours : « En las buenas y en las malas también ! » [« Dans les bonnes comme dans les mauvaises ! »].
Où en es-tu, toi ? Quels sont tes objectifs à court et moyen terme ?
Je vais maintenant reprendre doucement. L’objectif principal est de retrouver l’amour et le plaisir de s’entraîner et de concourir. Cela fait longtemps que je n’ai pas ressenti cela car les deux dernières années ont été plus stressantes qu’agréables.
Tu viens de te classer troisième à l’European Cup de Málaga, le 13 octobre. Encourageant !
Oui d’autant que l’Espagne l’utilise comme une sorte de qualification pour ses championnats nationaux et que j’ai battu quatre Espagnoles en chemin, dont la championne d’Espagne en titre dans le combat pour le bronze… Je m’attendais à une journée très dure puisque je n’ai repris l’entraînement que depuis un mois. Douze heures de compétition, six combats… Cette médaille était très importante pour moi ainsi que pour toutes les personnes de mon club qui étaient présentes en tribunes. C’est un soulagement, une première étape de franchie. Nous continuons à avancer, pas à pas.
C’est quoi la suite pour toi, dans l’immédiat ?
Je participerai ensuite à quelques autres tournois qualificatifs pour m’entraîner et me qualifier pour les championnats d’Espagne. Par ailleurs, je participerai à l’Open de Rome et, je l’espère, à l’une des rencontres de la Pro League française avec l’OM.
Mon objectif à court terme est de décrocher une médaille, voire de gagner les championnats d’Espagne à la fin du mois de novembre, afin d’entamer l’année 2025 en bonne position et d’avoir la possibilité de participer à des compétitions internationales.
Tu arrives sur tes trente ans. Il y a quelques années à Düsseldorf j’avais posé cette question au Georgien Varlam Liparteliani, puisque notre entretien se déroulait à quelques jours de ses trente ans : trente ans, pour toi, c’est un an de plus ou c’est un an de moins ?
Trente ans… Je sais, ça a l’air énorme ! Mais j’ai de grands projets à partir de trente ans. Trente ans, c’est la première année de mon cycle LA de quatre ans. Celle-ci est différente. Trente ans, ça va révéler ma meilleure version dans tous les aspects de ma personne et de ma vie. Je n’ai jamais accordé d’importance à l’âge et je n’ai pas l’intention de commencer maintenant. J’ai encore tellement à apprendre et encore plus à donner !
Si la Malin 2024 pouvait donner des conseils à la Malin qui enfila un jour sa première ceinture blanche, quels seraient-ils ?
Je pense que je voudrais qu’elle entende quelque chose comme ceci : « Tu es faite pour ça. C’est ton rêve et un jour tu seras si près de le réaliser (j’espère que j’y arriverai !). Tout ne marchera pas, tu auras des moments très durs, des décisions très difficiles à prendre, tu feras des erreurs qui auront des conséquences mais, chaque jour, tu continueras à nouer cette ceinture, comme tu le fais maintenant. C’est ce qui fera ta force. C’est aussi comme cela que tu apprendras à poursuivre tes rêves, quoi qu’il arrive. La seule constante dans la vie sera toujours le judo et tu pourras toujours t’y référer. Les personnes que tu rencontreras sur ton chemin compenseront toutes les autres peines et difficultés que tu rencontreras. Quant à ton rêve, c’est le tien et chaque jour au réveil, tu continues à te battre pour l’atteindre. Parce que tu es ce diamant brut qui finit par apparaître au milieu des pierres« . – Propos recueillis par Anthony Diao, hiver-printemps-été-automne 2024. Photo d’ouverture : ©Javi Delgado/JudoAKD.
Une version en anglais de cet entretien est à lire ici.

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