Paco Lozano – Le combat dans l’œil

Né le 2 février 1957 à Málaga (Espagne), Paco Lozano Martín a remporté son premier appareil photo Kodak lors d’un concours alors qu’il était âgé de 12 ans, et débuté le judo un an plus tard à Nyon (Suisse) – un pays où il a grandi jusqu’à ses seize ans. Ceinture noire troisième dan, mari et père de judokas, il a enseigné cette discipline pendant 25 ans en parallèle de sa profession de photographe au service des Sports de la municipalité de Málaga. D’une hospitalité proverbiale lorsqu’il reçoit sur ses terres andalouses où les terrasses au printemps sentent bon le jasmin et la fleur d’oranger, ce disciple d’Ansel Adams, Henri Cartier-Besson ou Raymond Depardon a attendu 2008 et les championnats d’Europe de Lisbonne pour se lancer pour de bon dans la photographie sportive. Publié dans de nombreux pays (Espagne, France, Brésil, Suisse, Angleterre, Allemagne, Israël…) et sur de nombreux sports (athlétisme, échecs, karaté, escrime, basket, cyclisme, tennis, football, équitation…), le judo reste le terrain où son vécu de pratiquant s’emboîte le mieux avec ses aspirations de chasseur d’images. Il en commente ici une sélection de ses préférées. – JudoAKD#010.

 

Une version en anglais de cet article est en ligne ici.

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Cette photo a été prise lors des Championnats d’Europe 2022 à Sofia. Habituellement, aux Championnats d’Europe, on ne voit pas beaucoup d’ippons car le niveau est très élevé et les athlètes se connaissent par cœur puisqu’il y a beaucoup d’entraînements en commun sur le continent. Ici, je voudrais tout d’abord souligner les deux protagonistes, le Géorgien Lukhumi Chkhvimiani, champion du monde 2019, et l’Espagnol Fran Garrigos, champion du monde 2023 et trois fois champion d’Europe. Le Géorgien est un judoka super stable mais Garrigos parvient à marquer ce ippon spectaculaire. Sa détermination m’a impressionné. J’aime particulièrement les judokas qui cherchent le ippon et n’essaient pas de gagner avec le shido.
La photo a été prise avec un Nikon D4s avec une vitesse de 1/1000, un ISO de 2500 et F3,5. J’édite toutes mes photos avec le programme Adobe Lightroom et cette photo était très belle car j’ai réussi à obtenir la séquence complète.
Cette photo n’a été publiée dans aucun magazine. »

L’anecdote en passant – « Lors d’un Open européen à Madrid, un individu a profité d’une pause pour se faufiler à travers tous les contrôles de sécurité (en principe, seules les personnes accréditées peuvent passer) et a pris mon sac à dos avec une partie de mon matériel photographique, mon portefeuille et mes clés de maison. Il a fait de même avec les affaires de mon ami photographe Gabi Juan. L’incident a été filmé puisque la compétition était retransmise en direct sur Judo TV. Le matériel n’a jamais été retrouvé mais en revanche dans les heures qui ont suivi quelqu’un a essayé de retirer 5 000 euros de mon compte depuis l’Angleterre puis 2 000 euros depuis les États-Unis. Par chance j’ai un système qui permet d’alerter ma femme en cas de retrait important. Sans son autorisation le retrait est impossible. Elle s’est étonnée de ces montants et nous avons pu les empêcher… Dans mon malheur j’ai quand même eu la chance que mon appareil et l’objectif dont j’avais le plus besoin à ce moment-là étaient avec moi, et mon ordinateur était posé sur une table surveillée. J’ai quand même dû emprunter de l’argent à des amis pour rentrer de Madrid à Málaga. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Je dois dire que j’adore Maruyama. Et je suis très triste qu’un judoka de cette qualité ne puisse pas participer aux Jeux. Je pense que la Fédération internationale devrait corriger cela, de manière très simple : chaque pays dans un seul poids pourrait prendre deux athlètes, c’est-à-dire que si le Japon peut maintenant emmener aux Jeux sept athlètes masculins, ils pourraient en prendre huit et de même pour les féminines, ce n’est pas un gros coût. Les règles actuelles nous privent d’une possible finale olympique entre les Japonais Maruyama et Abe en -66 kg et entre les Canadiennes Deguchi et Kilmkait en -57 kg, ce qui est très triste pour le spectacle et surtout pour l’athlète qui est écarté des Jeux en étant numéro deux (officiel ou officieux) au classement mondial.
J’ai été très attentif à cette finale car les affrontements entre Coréens et Japonais sont toujours spectaculaires, en raison de l’excellence du judo de ces pays et parce qu’ils sont des rivaux directs et historiques aux Jeux asiatiques. Il faut aussi tenir compte du fait que ce combat a eu lieu à Tokyo pendant les championnats du monde 2019. En principe les Jeux auraient dû y avoir lieu en 2020, mais le Covid les a retardés d’un an. Ce combat était donc très important pour les deux athlètes puisqu’il s’agissait de la finale et que le vainqueur serait champion du monde. Et Maruyama venait de sortir d’un combat terrible en demi-finales contre Hifumi Abe.
Mon nouvel appareil photo Nikon D6 me permet de prendre de 1 à 12 photos en rafale par seconde. Lors d’un championnat du monde, je prends environ 10 000 photos par jour, mais celle-ci est sans aucun doute l’une de mes préférées. Elle a d’ailleurs été choisie comme photo de l’année dans le cadre du concours du Media Judo Club et le prix m’a été remis lors du Grand Chelem à Paris, au cours d’une cérémonie très émouvante à laquelle de nombreux photographes et amis étaient présents. La relation entre les photographes est très bonne et nous nous entraidons beaucoup, il y a une très bonne ambiance, nous sommes plus amis que collègues. Comme partout, il peut toujours y avoir un con, mais la plupart d’entre eux sont de vrais fans de judo et nous partageons la même passion. Nous passons des heures assis ensemble et si quelqu’un a besoin de quelque chose, il obtient toujours l’aide du reste de l’équipe. »

L’anecdote en passant – « Avant chaque combat, je prends une photo du tableau d’affichage électronique pour me souvenir des noms des judokas. J’aime aussi prendre des photos des entraîneurs. Lors des compétitions par équipe, j’aime prendre des photos des autres membres de l’équipe qui s’encouragent mutuellement depuis le bord du tapis. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Cette photo date de la finale des -73 kg aux Jeux olympiques de Rio 2016 entre le Japonais Shohei Ono et l’Azerbaïdjanais Rustam Orujov. On peut voir comment Ono, une véritable légende, parvient à projeter son grand rival qui réalise qu’à ce moment-là la médaille d’or lui échappe. Ono a conservé son titre aux Jeux de Tokyo suivants et a régné pendant près de dix ans dans la catégorie des 73 kg, avec un judo magnifique.
La photo a été prise avec un Nikon D5 et un objectif 70-200. Elle a été publiée en poster dans le bimestriel français L’Esprit du judo.
Lors de cette même compétition, j’ai pris la photo d’Ono en train de saluer le tatami en même temps que son entraîneur dans l’arrière-plan. Cette photo exprime tellement de choses sur l’essence de notre discipline qu’on m’a proposé de la publier dans les manuels scolaires au Japon. »

L’anecdote en passant – « Dans tous les Jeux olympiques les tatamis sont sur une plateforme, ce qui leur donne une perspective très originale, c’est un peu comme les podiums où les défilés de mode. Pour la photographie, c’est très bien quand les tribunes sont complètement sombres et que l’athlète ressort mieux sans distractions en arrière-plan. Le Grand Chelem de Paris en est un bon exemple. Il reste pour cette raison le tournoi préféré de tous les photographes. Les images y sont plus spectaculaires. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Comme je l’ai déjà dit, le Grand Chelem à Paris est mon préféré et je suis toujours très heureux quand un Espagnol le gagne. Le fait que le tableau d’affichage apparaisse sur la photo est toujours un plus, mais ce n’est pas essentiel. Ce combat était la demi-finale des -90 kg au Grand Chelem de Paris 2020 entre l’Espagnol Niko Sherazadashvili et l’Azerbaïdjanais Mammadali Mehdiyev. Le judoka azerbaïdjanais est un judoka très compliqué. Il avait battu Niko plusieurs fois et dans son palmarès il lui manquait précisément la victoire à Paris. Ce ippon lui a donné beaucoup de confiance pour gagner en finale également par ippon contre le Japonais.
La photo a été prise avec un Nikon D4s et un objectif 70-200.
Elle n’a été publiée dans aucun magazine. »

L’anecdote en passant – « Ce Grand Chelem de Paris fut l’un des derniers tournois du circuit avant la pandémie de coronavirus. Le Covid a rendu la vie difficile à chacun d’entre nous. Pour moi personnellement c’était très mauvais économiquement parce que les hôtels de l’organisation sont très chers. Nous devions arriver deux jours avant la compétition et rester dans la bulle, c’est-à-dire sans pouvoir quitter la chambre jusqu’à ce que le test soit formellement négatif.
Je me souviens qu’au Grand Slam de Paris 2022, avant de partir, j’ai été testé deux fois et j’étais négatif. Lorsque je suis arrivé à l’hôtel à Paris, un nouveau test a également été négatif. Mais pour le championnat, j’ai été surpris de constater que le test à l’entrée de l’Accor Arena était positif. J’ai donc manqué le Grand Chelem à Paris et ai dû rester une semaine en isolement dans la chambre d’hôtel, ce qui m’a fait manquer le vol de retour à Malaga. Quinze jours après Paris, je devais me rendre au Grand Slam de Tel Aviv et j’ai dû faire un nouveau test à nouveau positif . Mon médecin m’a de nouveau dit qu’il s’agissait de restes insignifiants, mais que le laboratoire les avait détectés et que c’était la raison pour laquelle le résultat était positif. J’ai donc raté l’avion et n’ai pas pu non plus me rendre à Tel Aviv.
Le travail de photographe exige de passer des heures sur le tatami en tension car une seconde de relâchement et on perd le meilleur ippon du championnat. Avec le Covid, on devait être toute la journée avec le masque ce qui était très inconfortable pour moi. Après le Covid beaucoup de photographes ont cessé de se rendre aux championnats. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« C’était pendant le Masters de Doha en janvier 2021, à l’époque où les mesures sanitaires étaient très strictes. La première fois que j’ai vu Tato Grigalashvili, j’ai compris que j’étais devant l’un des plus grands. C’était au Grand Slam de Düsseldorf 2020 et il avait déjà remporté la médaille d’or en battant Nagase (JPN), Esposito (ITA), Wieczerzak (GER), Djalo (FRA) et enfin Khalmurzaev (RUS), tous de grands champions – Nagase était champion du monde et allait devenir champion olympique, Wieczerzak était champion du monde, Khalmurzaev champion olympique…. Son charisme, sa variété technique, sa puissance et son explosivité font de lui un judoka extraordinaire. C’est un plaisir et un privilège de pouvoir immortaliser des ippons aussi incroyables et, personnellement, il est très gentil et agréable.

L’anecdote en passant –  « Sur la photo, nous apercevons le masque que porte l’entraîneur géorgien. La période Covid a été très dure pour tout le monde, mais nous, les photographes, avons eu une période particulièrement difficile. Notre travail est particulièrement difficile, mais devoir le faire avec un masque toute la journée est tout simplement horrible. Aux Jeux de Tokyo, nous devions passer un test tous les jours. Du centre sportif à l’hôtel, nous ne pouvions pas sortir au restaurant voire simplement nous promener, c’était complètement interdit. Nous étions autorisés à nous rendre dans un magasin pour acheter quelque chose à manger, puis à retourner rapidement à l’hôtel, ou à commander des repas sur Internet. C’est tout. Les voyages étaient également plus difficiles. Un vol vers Tokyo avec le masque n’est pas une partie de plaisir. Les prix des vols et des hôtels ont également augmenté et chaque voyage a fait l’objet de deux tests covid avant le départ et de deux autres tests sur place. C’est pour cela également que de nombreux photographes ont dû cesser de se rendre aux championnats. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Cette photo est l’exemple parfait que dans la vie et surtout dans le sport, les miracles existent. Nous sommes à Tokyo pour assister au match pour la médaille de bronze entre la Russie et Israël. Il est difficile de trouver un match plus inégal sur le papier. La Russie est une superpuissance du judo avec une grande tradition de champions du monde, olympiques, d’Europe etc. Israël, en comparaison, est un petit pays mais avec une confiance incroyable.
Israël décide de tenter une stratégie surprenante. Au premier combat, la Russie présente en -90 kg son grand champion Mikhail Igolnikov, double champion d’Europe, vainqueur de plusieurs Grand Chelem, et Israël décide de faire passer son compétiteur de -81 kg Sagi Muki à -90 kg et, incroyablement, Muki marque ippon.
1-0. Au deuxième combat, Raz Hershko (ISR) gagne également et l’on peut déjà voir des visages inquiets du côté russe. Le score est de 2-0. Mais c’est au tour de Bashaev, un judoka extraordinaire en judo individuel, qui a créé la veille une énorme surprise en battant nul autre que Teddy Riner et de remporter la médaille de bronze des +100 kg. Une fois de plus, les Israéliens surprennent en montant d’une catégorie dans leur -100 kg Peter Peltchik et oui !, vous l’avez deviné, il gagne et c’est déjà un 3-0… Les visages des Russes ne sont plus inquiets : ils sont horrifiés. Mais voilà Daria championne d’Europe et pour, Israël, Timna Nelson-Levy qui réalise l’un des ippons les plus spectaculaires des Jeux. La photo illustre le moment où les deux entraîneurs Oren et Shany s’embrassent et où le reste de l’équipe éclate de joie. Ce fut une folle victoire 4-0 sur la Russie et une médaille de bronze olympique.
Cette photo a été prise avec un objectif Nikon 120-300 et un appareil Nikon D6. Elle a été publiée dans le magazine L’esprit du Judo et en Israël, puisque je collabore depuis des années avec la Fédération israélienne, ainsi qu’avec la Suisse et aux Jeux pour la France. Les mesures sanitaires aux JO de Tokyo étaient très dures : test quotidien pendant les quinze jours des Jeux, masques, stades vides. Tout cela était très triste et très étrange, surtout pour ceux comme moi qui ont connu l’effervescence des Jeux de Londres ou de Rio. »

L’anecdote en passant – « Pendant les huit jours qu’a duré le judo aux JO de Tokyo, j’ai pris 54 000 photos et le reste des sports 10 000 photos. Avant l’ère numérique, la photographie sportive était un exercice très différent. Les rouleaux de pellicule représentaient 36 photos, il aurait fallu que je prenne un camion avec moi pour pouvoir prendre 55 000 photos rien qu’en judo.
Pour moi le succès d’une photo est autant affaire de qualité technique, d’émotion qui s’en dégage que de détails qui en font la saveur. Si la technique échoue et que la photo montre une action fantastique mais qu’elle est floue ou mal cadrée, elle ne sert à rien. Si elle est techniquement parfaite mais ne montre rien d’intéressant, elle n’est pas bonne non plus. C’est un exercice très subtil. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Maruyama donne toujours un bon spectacle. L’une des choses que j’essaie de faire, et qui n’est pas toujours possible, c’est de montrer les visages des athlètes, à la fois Tori et Uke, ce qui donne de la force et de l’intensité à la photo. Quant à l’arbitre – ici le Français Matthieu Bataille -, lorsque nous regardons la photo, nous suivons son regard et nous nous concentrons sur les protagonistes, puis si nous continuons à analyser la photo, nous voyons qu’il y a un autre acteur et souvent de grands protagonistes qui montrent leur joie, leur tristesse ou leur colère. Le grand entraîneur cubain Ronaldo, qui a malheureusement disparu il n’y a pas longtemps, me vient immédiatement à l’esprit lorsque je repense à ces silhouètes dont la présence apportait immédiatement une plus-value au cadre. Avec des sportifs comme Maruyama et des plus anciens comme Zantaraia ou Iliadis, pour ne citer qu’eux, je pourrais facilement prendre plus de 200 photos en un seul combat.
Cette photo a été prise avec un objectif 70-200 et un Nikon D6.
Je ne pense pas qu’elle ait été publiée dans un magazine. »

L’anecdote en passant – « Il y a quelques années, j’ai assisté avec un ami à un championnat d’Europe de judo. Nous sommes tous les deux ceintures noires et avons de nombreuses années de pratique. Nous suivions un combat très intense quand l’un des judokas a fait une attaque très mal exécutée. Tous les photographes ont inutilement commencé une longue rafale. Seuls mon ami et moi n’avons pas pris de photos. Cela s’est répété plusieurs fois jusqu’à ce qu’il réussisse à marquer un point spectaculaire et cette fois nous avons été les seuls à photographier. Nous ne pouvions pas nous empêcher de sourire et de nous faire un clin d’œil…
C’est vrai que parfois certains champions vous surprennent. Je dis toujours que le meilleur chasseur n’est pas celui qui ne rate jamais, mais celui qui rate le moins. Parce que nous avons tous des échecs, même avec Maruyama.
Le travail d’un photographe est physiquement et mentalement épuisant, parce qu’aux Jeux olympiques, pendant quinze jours, vous prenez des photos toute la journée et vous vous concentrez toute la journée, c’est épuisant. Aux Jeux de Tokyo, j’ai pris 64 000 photos en 15 jours. Rien que de les regarder, c’est fou. La sélection et l’édition sont à mourir. Heureusement, c’est tous les quatre ans.
Après un championnat du monde, il me faut au moins quinze jours pour organiser, éditer et envoyer les photos aux magazines et aux sites web. Je dis toujours que mon travail n’est pas de faire les photos  (ça, c’est un plaisir) mais de passer la journée devant l’ordinateur du matin au soir : c’est très dur. Sur 30 000 photos, j’en garde généralement 10 000, le reste est supprimé. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« Cette photo est sans doute celle qui m’a valu le plus de récompenses. C’est le quart de finale des Jeux olympiques de Londres entre Lucie Décosse et Yuri Alvéar. Un combat que la Française remporte en neuf secondes sur cet uchi-mata parfait dès la première prise de garde. J’ai toujours aimé photographier Lucie Décosse car c’est une combattante particulièrement photogénique. J’avais cependant un regret : je l’ai souvent manquée ! C’est-à-dire que très souvent elle était appelée sur un tapis qui n’était pas celui où j’étais installé. Le temps que je prenne mes affaires pour rejoindre son tapis et que je fasse mes réglages… elle avait déjà marqué ippon et le combat était fini ! À Londres, cette fois, j’étais prêt et je suis heureux d’avoir pu saisir cette action.
Cette photo met aussi en présence la Colombienne Yuri Alvéar, une athlète pour qui j’ai un immense respect. Parce qu’elle vient d’un pays où réussir dans le sport, a fortiori lorsque vous êtes une femme, n’est pas donné à tout le monde. Elle remportera tout de même trois titres et trois bronze mondiaux ainsi que deux médailles olympiques entre 2009 et 2018, c’est exceptionnel. D’ailleurs si elle s’incline en neuf secondes sur ce combat, c’est elle qui l’année suivante aux championnats du monde Rio, mettra fin à la longue série d’invincibilité de Lucie en grands championnats, lors de ce qui restera la dernière compétition de la carrière de la Française.
Cette photo a été en poster dans la revue française L’Esprit du judo. J’ai également été invité à la commenter pour le site de la Fédération internationale de judo, où plusieurs photographes s’étaient vus demander de proposer ce qu’ils estimaient être leur photo de la décennie. »

L’anecdote en passant – «  Ce sont les premiers JO que j’ai couverts. La première chose qui m’a agréablement surpris, c’était que le tatami était posé sur une plateforme, comme les podiums pour les défilés de mode. La lumière était excellente et il n’y avait rien derrière qui venait parasiter l’image. En tant que photographe, c’est le top.
Pour ce qui est de l’évènement en lui-même, on sent une tension énorme, partout. Les athlètes sont tendus, les entraîneurs sont tendus, les arbitres sont tendus… C’est d’ailleurs sur ce tournoi olympique qu’il y a eu l’imbroglio arbitral en -66 kg entre le Japonais et le Coréen. D’abord le Coréen a été déclaré vainqueur alors que le Japonais avait lancé les attaques les plus importantes du combat. Il y a eu une énorme bronca du public, au point que la table a rappelé les combattants pour les faire saluer à nouveau et déclarer cette fois le Japonais vainqueur… provoquant cette fois la fureur du clan coréen ! Ce combat est sans doute l’une des raisons qui a provoqué le passage à l’arbitrage vidéo dans les années suivantes… Quant aux arbitres de ce combat, sauf erreur de ma part, je ne me souviens pas les avoir revus ensuite. »

 

 

©Paco Lozano/JudoAKD

« J’aime toujours arriver au moins deux heures avant le début de la compétition. Tout d’abord pour obtenir la meilleure place, ensuite parce que j’ai le temps de discuter avec les judokas et les entraîneurs qui ne sont pas sous tension juste avant le début de la compétition… J’aime visiter la salle d’échauffement. Après tant d’années, j’ai noué des liens d’amitié avec de nombreux judokas et entraîneurs. Il faut savoir que de nombreux judokas me contactent et me suivent sur mes réseaux sociaux Facebook et Instagram, au fil des années une amitié s’est installée. »

©Paco Lozano/JudoAKD

« J’aime aussi prendre des photos sous tous les angles possibles de la salle de compétition. L’atmosphère y est très particulière lorsqu’elle est vide. Cela me permet aussi d’assister à des moments curieux comme les visites de Shohei Ono sur les tatamis des Jeux de Rio 2016 et de Tokyo 2020. Il aime se promener sur le tatami où dans quelques heures il devra se battre pour cette médaille. Il me fait penser à ces généraux qui, avant une bataille, voient les lieux, prennent des notes et commencent à planifier leur plan de bataille. » – Propos recueillis par Anthony Diao, printemps-été 2024. Photo d’ouverture : ©DR/JudoAKD.

 

Une version en anglais de cet article est en ligne ici.

 

 

En juillet 2021 aux JO de Tokyo, en attendant Paris 2024. ©Gabi Juan/JudoAKD

 

 

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