D’un vieux continent – Épisode 2/13 – Automne 2025

« J’ai appris l’espérance auprès de gens qui avaient, eux, toutes les raisons de désespérer, et ne le faisaient pas. » Disparu le 8 novembre 2025 à quatre-vingt-un ans dans un silence inversement proportionnel à la taille de l’empreinte laissée d’écrits en conférences pendant plus d’un demi-siècle attaché à autopsier et comprendre ce qu’il appelait « le désarroi contemporain« , le journaliste, éditeur et essayiste français Jean-Claude Guillebaud lègue en partant ce genre d’éclairs de lucidité, fruits d’une vie de voyages, de rencontres et de remises en question de ses propres a prioris. Un sourire obstiné, à rebours des sombres augures du moment, où le verbe « combattre » semble être conjugué sur tous les tons et à tous les temps, mais rarement au présent de l’introspectif.

La planète judo, elle, aura connu un automne en mode diesel. Il fallait cela sans doute pour se remettre de la séquence 2016-2024, ce non-stop megamix de stages-sélections-championnats continentaux-kiné-reprise-Grands Prix-Grands Chelems-Masters-stages-JO-championnats du monde individuels et par équipes mixtes-stages et rebelote avec quelques confinements et quarantaines au milieu, comme un lave-linge sur essorage à mille quatre cents tours minute. Le grand reset de l’été 2025 aura permis à beaucoup de se retaper, de souffler un bon coup voire de changer de catégorie de poids. Avec, pour nouveau paramètre depuis le 27 novembre, le retour sur le circuit du drapeau et de l’hymne russes, et les crispations diplomatiques que tout cela génère.JudoAKDRoadToLA2028#02.

 

 

 

Une version en anglais de cet épisode est disponible ici.

 

Pour (re)lire l’épisode 1/13 (été 2025), c’est par là.

 

 

 

Paco Lozano (à droite) et Marcelo Rua, un soir de novembre 2025 près de Malaga. ©Anthony Diao/JudoAKD

Paco Lozano – Espagne – Photographe – Au hasard d’un passage à Malaga, mi-novembre, retrouvailles dans un restaurant de Torremolinos avec Paco et son fidèle binôme et ancien élève Marcelo Rua – auteur notamment du fameux cliché immortalisant aux mondiaux par équipes 2011 ce balayage légendaire de Dimitri Dragin. L’œil d’un photographe, comme l’oreille d’un producteur dans le hip-hop, a beaucoup à dire d’une époque. Il faut l’entendre raconter le stage international de Valence, mi-août, où se charpentent les succès de la saison qui vient. Ces discussions de bord de tapis avec les entraîneurs de clubs comme d’équipes nationales, qui rappellent combien chaque dynamique de résultats s’explique aussi par des paramètres humains : deuils, naissances, incompréhensions, fâcheries, réconciliations… Un an après, il a pris le temps de lire le long entretien que Benjamin Axus nous avait accordé dans la dernière ligne droite de Jeux de Paris que, malgré son statut de numéro Un français à la ranking, il ne disputera pas – un carrefour de vie qui marquera aussi le coup d’envoi de la hype Gaba.

Il faut l’entendre aussi raconter son plaisir de prendre le temps qu’il lui faut pour soigner ses photographies à l’European Open de Malaga puis au stage qui suit. Une semaine marquée par le retour aux affaires de deux des trois champions du monde russes de juin : le roseau flexible Timur Arbuzov, impérial dans son inédite catégorie des -90 kg, et la créature de Black Mirror Matvey Kanikovskiy, létal comme un drone en -100 kg, et dont il se murmure que même au hammam personne ne l’a jamais vu transpirer. Embêté par le report de trois mois des mondiaux de Bakou qui fait se téléscoper l’épreuve avec les impératifs de rentrée scolaire que ce patriarche investi anticipe déjà en parallèle, il se prépare néanmoins avec beaucoup d’appétit à répondre présent à cette année 2026 qui arrive déjà.

 

 

Qingdao (Chine), 27 septembre 2025. Première compétition en -70 kg et première médaille pour Melkia Auchecorne. ©Emanuele Di Feliciantonio-IJF/JudoAKD

Melkia Auchecorne – France – N°13 mondiale des -63 kg (-5) ; n°93 mondiale des -70 kg (nouvelle catégorie) – « Jamais je n’avais coupé comme ça » siffle la judokate de Chelles qui, de Mykonos à l’Italie, a profité du ralentissement estival pour troquer le judogi trempé contre le pareo et le monoï. Une coupure qui la conduit à tenter un pari radical : aller voir si l’herbe est plus verte en -70 kg. Le premier test est idéal : au premier tour du Grand Prix de Chine, elle voit se dresser face à elle Szofi Ozbas, championne d’Europe en titre et vainqueure de deux autres Grands Chelems en chemin – la Hongroise remportera aussi celui d’Abou Dhabi le 29 novembre. Un test presque concluant : si elle réussit l’exploit de dominer la n°4 mondiale, la Française glisse au tour suivant face à la Malgache Aina Laura Rasoanaivo Razafy, championne d’Afrique en titre. Puis se rattrape en allant chercher le bronze pour cette toute première sortie dans sa nouvelle catégorie.

S’ensuivent dix jours à Tokyo avec l’équipe de France. Les rumeurs vont alors bon train : bascule-t-elle pour de bon en -70 kg où acceptera-t-elle de se faire à nouveau mal pour rester en -63, la catégorie dont elle fut championne du monde juniors en 2023 et 2024 ? La question est assez vite répondue. Le week-end de la Toussaint c’est à nouveau en -70 kg qu’elle s’aligne aux Europe -23 ans de Chisinau en Moldavie. Et une fois n’est pas coutume, elle est cette fois la seule du groupe féminin français à rentrer bredouille. La faute à un marathon de quinze minutes dont onze de golden score dès le deuxième tour face à la Croate Karla Kulic. « Je n’ai pas l’habitude d’avoir une fille plus imposante en face de moi » admet-elle de surcroît avec cette moue pensive que connaissent bien tous ceux qui ont un jour eu à monter de catégorie de poids. Les équipes du lendemain lui redonnent du baume au cœur : trois victoires nettes en individuelle face à des -63 kg et une médaille d’argent au bout derrière la Géorgie.

À son retour, son discours s’est affermi : « Bien que je sois à 67 kg, j’ai décidé de monter car je me projette sur 2028 ». Une épine en moins dans le pied de Manon Deketer et de Clarisse Agbegnenou qui, tout à ses préparatifs pour sa seconde maternité, a suffisamment de bouteille pour sentir que son retour aux affaires s’en trouvera simplifié – à moins qu’elle ne monte elle aussi de catégorie…

Un petit tour à Belgrade le 21 novembre avec les filles de Chelles sous les couleurs d’Auxerre Judo où elle domine l’Ukrainienne Olga Tsimko et prend le temps de ressentir la truculence de l’ambiance serbe ; un autre pour rien cette fois à la Judo Pro League puisque son adversaire ne se présente pas ; une troisième place aux championnats de France le 14 décembre, battue « sur la capacité à rester patiente » en demie par Marie-Eve Gahié qui a tenu à rappeler, à talents annoncés de plus en plus proches, les deux olympiades d’expérience qui les séparent encore. Enfin, une ultime victoire individuelle pour sauver l’honneur en Judo Pro League le 19 décembre face au RSC Montreuil. Les fêtes de fin d’année ? L’occasion de retrouvailles familiales au Cameroun, mais aussi de révisions pour ses partiels de rentrée, en attendant une reprise qu’elle a souhaité programmer au stage autrichien de Mittersill, avec le Grand Chelem de Paris dans le viseur.

 

 

Avec Mikita Sviryd sur les hauteurs de la Sierra Nevada. ©Archives Martti Puumalainen/JudoAKD

Martti Puumalainen – Finlande – N°14 à la ranking mondiale des +100kg (=) – Après une courte et active trêve estivale (pêche, concerts, longues sorties à vélo sur les traces de son coach, le Slovène Rok Draksic…), le champion d’Europe 2023 est reparti au charbon au Japon – où il a aperçu de loin un certain Teddy R., de passage avec la Fédération française pour une opération marketing – et en Italie.

Cinquième le 13 octobre au Grand Prix de Lima, troisième la semaine suivante à celui de Guadalajara où il ne cède qu’en demies sur la légende Lukas Krpalek, il se rejouit de ne plus se contenter de shidos pour gagner : « Je réussis à faire tomber et à placer des combinaisons au sol, c’est très encourageant« . Comme l’ensemble des acteurs du circuit international, le Finnois affiche déjà un bilan carbone 2025 plutôt conséquent lorsqu’il s’embarque début novembre pour la côte Est de l’Australie. Le survol de la Russie étant interdit aux avions finlandais, c’est par un improbable Helsinki-Hong-Kong-Brisbane à l’aller et un tout aussi copieux Brisbane-Doha-Helsinki au retour qu’il ralliera la World Cup de Gold Coast – « Heureusement je dors facilement six ou sept heures dans l’avion« . Il y remporte ses trois combats dont une finale face au vétéran Kayhan Ozcicek-Takagi, titulaire en -100 kg pour le Japon aux mondiaux 2010 et revenu sous les couleurs de son Australie natale depuis 2018. Une victoire qui lui permet de confirmer ses progrès en liaison debout-sol et de voir que ses compatriotes montent doucement et sûrement en consistance puisque quatre font Top 5 : Eetu Ihanamaki, premier en -81 kg, Pihla Matikainen, deuxième en -57 kg, Luukas Saha, deuxième en -66 kg et Valtteri Olin, cinquième en -73 kg.

En décembre, direction la Sierra Nevada espagnole pour trois semaines de préparation physique en altitude avec son sparring et ami, le Biélorusse Mikita Sviryd. C’est de là qu’il regardera d’un oeil expert le Grand Chelem de Tokyo et l’évolution des rapports de force dans sa catégorie des +100 kg où, à peine installé sur le trône mondial, le Russe Inal Tasoev voit un énième compatriote, le sculptural Valeri Endovitskii, venir lui brûler la politesse d’être le premier lourd du pays à faire à nouveau retentir un hymne national si longtemps attendu.

 

 

©Archives Morgane Sellès/JudoAKD

Morgane Sellès – France – Kiné de l’équipe d’Azerbaïdjan – Si son été 2025 était un poème, alors il aurait été un quatrain, avec des rimes tantôt embrassées tantôt isométriques. Bakou en base centrale d’une vie d’expatriée, les Pays-Bas en zone de repli (et de temps à rattraper avec sa fille), et ces semaines à peaufiner un protocole de soins, inédit sous ces latitudes, qu’elle présente le 12 septembre. Un protocole fait de tests isocinétiques, de prises de lactate et de dépistages pour prévenir au mieux les risques de blessures de ses athlètes. Lesquels, en perspective d’une année 2026 dont les mondiaux à domicile en octobre constitueront l’acmé, s’enquillent un gros bloc de préparation physique et trois semaines axées sur le ne-waza avec toujours cette ouverture constante aux partenaires étrangers de passage, dans une logique de progression mutuelle que n’aurait pas reniée un certain Jigoro K.

Absente de la tournée de septembre en Amérique du Sud et centrale, mais aussi des diplomatiquement importants Jeux islamiques de Riyad les 8 et 9 novembre 2025 faute d’avoir été autorisée sur place à réserver une chambre simple (!), la Française est en revanche à pied d’oeuvre quotidiennement pour la rééducation des athlètes, à mesure que Richard Trautmann, le responsable allemand de l’équipe nationale azerbaïdjanaise, envoie les uns s’entraîner au Japon et les autres faire des globules rouges en montagne. Une incitation bienvenue à l’exigence et à l’auto-discipline, a fortiori à l’approche du Grand Chelem d’Abou Dhabi de fin novembre où, pour la première fois, Morgane teste officiellement son protocole de récupération.  « On est passés du gars qui s’allonge et se fait masser les avant-bras à des gars qui font une récupération active pendant dix à quinze minutes. L’objectif est vraiment que toutes les petites blessures soient finies et qu’on démarre 2026 avec une équipe qui n’ait pas de douleurs. Même pour le stage de Mittersill, début janvier, on a décidé de retirer tous ceux qui avaient des petites blessures. Le mot d’ordre c’est que tout soit nickel. » Une éthique de la prudence renforcée par un stage de trois semaines dans la montagne pour, côté athlètes, se tester physiquement et, côté kiné, mettre l’accent sur la rééducation et la prévention. Deux des piliers silencieux de la performance, a fortiori lorsqu’il s’agit de l’inscrire sur la durée.

 

 

 

©Archives Toma Nikiforov/JudoAKD

Toma Nikiforov – Belgique – Les mois qui suivent une retraite sportive sont rarement une formalité. Game over la vida loca entre hôtels, aéroports et retrouvailles aux quatre coins du monde entre athlètes mus par la même quête de perfectionnement. La sédentarité est une donnée nouvelle, presqu’inédite pour celui qui était déjà vice-champion du monde cadets en 2009. Sur pause côté judo notamment le temps de suivre la formation en ligne de l’IJF pour passer son diplôme d’entraîneur, Toma bosse une journée sur deux auprès d’un gradé de l’Armée belge. Une évidence pour qui se souvient qu’à ses débuts dans l’institution qui l’accompagne depuis le début de sa carrière, en 2013, il avait fait carton plein au tir à longue distance. Le reste du temps, l’ancien double champion d’Europe libère son trop-plein d’énergie en soulevant de la fonte jusqu’à deux fois par jour à la salle de sports du coin et se consacre à sa famille – il vient de quitter son fief de Schaerbeek pour la commune voisine de Sterrebeek, où il gagne quelques mètres carrés de verdure et un garage. Le 21 novembre, il se faisait une joie de retrouver en tribunes à Belgrade les copains d’Auxerre Judo pour lesquels il pigeait parfois il y a quelques mois encore, à l’occasion de la Champions League. Malheureusement le décès d’un ami l’oblige au dernier moment à se rendre aux obsèques en Bulgarie.

 

 

 

 

©Archives Ariane Toro Soler/JudoAKD

Ariane Toro Soler – Espagne – N°4 mondiale des -52 kg (+6) – Le parallèle est rare – et la télévision espagnole ne s’y trompe pas en invitant les deux femmes ensemble lors d’un quiz intitulé Objectif Los Angeles 2028. Trente ans après que la mère, Yolanda Soler, triple championne d’Europe des -48 kg et troisième aux Jeux olympiques d’Atlanta, ait fait des pieds et des mains pour goûter à la maigre part de lumière que laissa à sa génération l’astre Ryoko Tamura-Tani, c’est au tour de la fille, Ariane, de taper l’incruste sur des podiums quasi toujours dominés depuis huit ans par Uta Abe.

L’infinie détresse que cette dernière montra malgré elle à la face du monde suite à sa défaite surprise au deuxième tour des JO de Paris ne semble plus qu’un lointain souvenir. Championne du monde pour la cinquième fois en autant de participations en juin à Budapest, la Tamura des années 2020, donc, est à nouveau sur la plus haute marche d’un Grand Chelem de Tokyo pourtant riche en chausse-trappes. À ses côtés sur la troisième marche, Ariane, elle, valide ses choix de l’automne, à savoir prendre le chemin le plus pentu, engranger des combats et des informations et ne sortir qu’à coup sûr – dont acte. Dans le détail, cela donne trois semaines studieuses au Japon marquées par le retour aux affaires de son frère aîné Julen, longtemps éloigné des tapis pour blessure. Le tout s’accompagne d’une courte escapade à Paris puis d’entraînements plus classiques entre Madrid, la Galice et Valence. « C’est toujours un challenge de prendre une Japonaise chez elle. En prendre plusieurs c’est encore mieux et c’est pour ça que j’étais là » dit-elle au sortir d’une journée du 6 décembre à treize engagées et où elle est la seule non Nippone sur le podium. Deux semaines de stage sur place plus tard, le plein est fait de randoris grattinés. La voici armée pour 2026.

 

 

 

Montrer l’exemple. ©Archives Ezio Gamba/JudoAKD

Giacomo Gamba – Italie – 116e à la ranking des -81 kg (-68 places) – Qui a dit que chuter au classement équivalait à chuter mentalement ? Embêté par son épaule depuis le mois de juin, le Brescian ressort confiant de son point médical le 9 septembre : reprise des randoris envisagée pour début novembre, avec les championnats d’Italie en ligne de mire mi-décembre et une session au Japon pour se remettre dans le bain… Avant cela, Jack s’entretient à coups de séances techniques, de vélo et de petits matches de foot entre copains. File applaudir sa coéquipière Alice Bellandi, tenante des titres olympique et mondial des -78 kg, à l’honneur du documentaire expérimental Agon de Giulio Bertelli, présenté à la Mostra de Venise. Et profite du privilège d’avoir son père Ezio quasiment tous les soirs sur le tatami de leur club de Forza e Costanza. La convalescence s’avère plus longue que prévu ? C’est qu’il devait peut-être en être ainsi. Le 17 décembre, le médecin lui donne enfin le feu vert pour passer la deuxième. « Je reprendrai à Mittersill en janvier », se réjouit-il.

 

 

 

En mode coach aux championnats de France séniors le 14 décembre 2025 à l’Arena Saint-Etienne Métropole de Saint-Chamond. ©Anthony Diao/JudoAKD

Daikii Bouba – France – N°8 à la ranking des -66 kg (+1) – Comment repartir de l’avant lorsque, la saison de ses vingt-neuf ans, on vient d’enchaîner trois finales en Grand Chelem, un titre de champion d’Europe et un mariage (le 12 juillet) ? D’abord en s’adonnant au plaisir coupable de savourer un voyage de noces en Albanie pendant que les coéquipiers sont en stage au Japon. Puis en reprenant tranquillement mi-août par un stage à Valence (Espagne), « chez Sugoi » comme le veut l’expression désormais consacrée dans le judo français depuis qu’Amandine Buchard, au printemps 2016, y a fait le deuil d’une première vie et posé les jalons de la suivante. Enfin en rejoignant fin août les internationaux Martha Fawaz, Benjamin Axus, Maxime Merlin, Romaric Bouda et Nicolas Pavlovski, pour animer le Judo Camp Excellence minimes-cadets à Châteauroux.

Après un mois de septembre entre l’INSEP et cet Institut du judo où un QR code est désormais demandé à l’entrée, c’est au Mexique et en tant que tête de série n°1 que Daikii retrouve le chemin de la compétition, le 17 octobre à l’occasion du Grand Prix de Guadalajara. Troisième à l’arrivée, il retient de cette reprise du bon (« jamais je n’ai été aussi précis sur les mains« ) et du moins bon (« trop de sautes de concentration« ).

Dispensé des championnats de France du fait de son titre européen d’avril, le combattant de l’AJA Paris XX est aux premières loges le 7 décembre pour assister au parcours christique d’Hifumi Abe en son jardin tokyoïte. Cinq ans presque jour pour jour se sont écoulés depuis les 23’57 en apnée de ce dernier face à son éternel meilleur ennemi Joshiro Maruyama scellant, en sortie de confinement, l’ultime ticket de la Dream Team de Kosei Inoue avant les Jeux à domicile. Deux titres olympiques plus loin, le frère d’Uta tenait à rattraper sa glissade des derniers mondiaux face au Tadjik Obid Dzhebov. Ce sera chose faite, au prix d’une débauche d’énergie inouïe : un waza-ari de retard rattrapé quasiment sur le gong en quarts face au Coréen Chann-yeong Kim, un golden score de 8’37 en demies face au dossard rouge de son compatriote champion du monde en titre Takeshi Takeoka, et une finale au cordeau une fois encore face à un autre compatriote, le fougueux Kairi Kentoku.

Pour Daikii, se classer septième d’une catégorie où les quatre Nippons engagés cumulent les quatre places de demi-finalistes et les quatre médailles à l’arrivée – et où même Ryoma Tanaka, le champion du monde 2024, n’avait pas réussi à se qualifier -, cela reste une performance à saluer. Et tant pis si lui-même estime « ne pas avoir été très bon… La seule fois où j’étais venu au Japon c’était en 2023. Je m’étais classé cinquième et malheureusement je m’étais blessé à la compétition. Je n’ai pas pu faire le stage. J’étais dégoûté d’autant que ça aurait été l’occasion pour moi d’enfin inviter Maruyama… qui a pris sa retraite depuis. »

Rentré le vendredi après-midi suivant à Roissy-Charles de Gaulle, il claque une bise à Madame et saute dans le premier train pour Saint-Etienne pour encourager les copains aux championnats de France de Saint-Chamond. Le dimanche, il échauffe et coache même le -90 Paul Livolsi engagé face au néo-Monegasque Aleksa Mitrovic, coaché pour sa part par… Loïc Pietri. « J’ai mon diplôme et je m’y prépare petit à petit » glisse-t-il en souriant avant d’aller prendre l’air.

Cet automne sonne aussi l’heure du renouveau pour son rival – et ami – Walide Khyar. À trente ans, le champion d’Europe 2016 a troqué le catogan sommet de crâne pour une gouffa façon Questlove de The Roots, et semble rajeuni de dix ans. Il remporte d’ailleurs à Abou Dhabi le tout premier Grand Chelem de se déjà longue carrière. « Comme avant lui Axel Clerget ou Guillaume Chaîne, il a pris conscience du fait que le temps qu’il lui reste pour aller au bout de ses ambitions est désormais compté, analyse Baptiste Leroy, son entraîneur au PSG Judo. Le faire travailler la préparation physique avec Christophe Besnard lui a fait beaucoup de bien. » Du même club que Kelvin Ray, le nouveau champion de France de la catégorie, le médaillé mondial 2023 et cinquième des JO de Paris sera l’un des hommes à surveiller de près au cours des mois qui viennent. Et un challenge de plus à relever pour Daikii Bouba, qui n’est plus à ça près.

 

 

Belgrade, 21 novembre 2025. Deuxième Champions League d’affilée avec le PSG Judo autour de Baptiste Leroy and co. ©Gabi Juan-EJU/JudoAKD

Faïza Mokdar – France – N°9 mondiale des -57 kg (=) – « La saison individuelle commence » déclarait le même Baptiste Leroy le 21 novembre en conclusion d’un documentaire racontant de l’intérieur la chronique d’une victoire annoncée pour le PSG Judo lors de la Champions League par équipes mixtes. Jusqu’ici, l’automne avait semblé à une lente mise sur orbite de la vainqueure du Grand Chelem de Paris 2024. Trois semaines de vacances en Indonésie avec deux proches – puis une semaine à goûter le silence du désert du Sud algérien début novembre, en attendant la Tanzanie à Noël (des choix de destination qui disent beaucoup de l’ouverture d’esprit de cette jeune fille unanimement saluée pour la qualité de ses rapports aux autres) -, la Parisienne effectue une reprise prometteuse au Pérou le 11 octobre où elle s’impose sur le Grand Prix de Lima en dominant en finale une Amandine Buchard souhaitant s’épargner un énième régime et se tester en  -57. Un jalon intéressant au sortir d’un été où il lui aura fallu reprendre ses marques suite au départ début juillet d’un de ses principaux entraîneurs de club depuis deux saisons, le Belge Damiano Martinuzzi.

Bluffée par l’ambiance chaudron régnant à Belgrade au moment de remettre en jeu le titre européen par équipes mixtes acquis onze mois plus tôt à Montpellier, elle éteint un public local pourtant en feu puisque l’Etoile Rouge menait 2-1 à cet instant-là de la finale. Sans complexe, elle ligote au sol la n°3 mondiale Marica Perisic et laisse la voie libre au galop final de ses coéquipiers. C’est d’ailleurs à elle que, sur le podium, Laszlo Toth, le président hongrois de l’Union européenne de judo, remet le trophée de vainqueur au nom de toute l’équipe parisienne.

À nouveau implacable au fil des tours aux championnats de France de Saint-Chamond le 13 décembre, elle s’y qualifie pour sa cinquième finale d’affilée mais ne remportera pas son quatrième titre de rang. Elle commet en effet une erreur en finale face à sa vieille rivale Chloé Devictor, s’exposant au uchi-mata sukashi de celle qui fut l’une des sparrings de l’équipe de France aux JO de Paris. Une médaille d’argent qui aura le mérite de piquer son orgueil pour ne plus laisser ce genre de sautes de concentration altérer sa marche en avant.

Deux jours après, le Conseil d’Etat rend une décision qui fait date. La plus haute instance de l’ordre administratif français fait droit à la demande formulée au printemps dernier par le PSG Judo et à l’ES Blanc Mesnil de ne pas se plier aux injonctions fédérales concernant la Judo Pro League. L’épilogue d’un de ces bras de fer en coulisses qui se passent souvent loin des athlètes mais les concernent un peu aussi quand même.

 

 

 

Entraînement en mode caviar aux côtés du gratin des -60 japonais. De gauche à droite : Kenta Sekimoto, Hayato Kondo, Romain Valadier-Picard, Enzo Jean, Naohisa Nakato et Ryuju Nagayama. ©Archives Romain Valadier-Picard/JudoAKD

 

Romain Valadier-Picard – France – N°6 à la ranking des -60 kg (=) – Au fil de ses séjours au Japon, le vice-champion du monde 2025 monte en exigence. Celui, cathartique, de l’été 2024 visait à trouver enfin la bonne posture face à ces profils nippons qui jusqu’ici le mettaient sans cesse en difficulté. Celui de l’été 2025, lui, vise à trouver les meilleurs plans de jeu possibles pour faire tomber plus régulièrement ces rivaux-là. Le reste est affaire de routine entre Tokyo, Kokushikan, Park24 et Tenri : levé tôt, métro jusqu’à ces dojos où tout le monde vient à vélo mais où personne ne l’attache, straps, uchi-komisrandoris, ramens, sieste, devoirs, puis rebelote jusqu’au coucher.

S’ensuit une fin d’été en mode vacances actives ente le Piton des neiges à La Réunion, puis Séville, Madrid et Valence. Le mois de septembre est davantage axé équipe de France et PPG. Le 9 octobre, le voici à la Judo Pro League avec cette équipe de l’ACBB dont il est déjà l’une des locomotives, avec la double médaillée olympique Sarah-Léonie Cysique et la championne du monde néerlandaise Joanne Van Lieshout. Si son équipe s’impose 5-0 face à l’US Orléans JJJ, son match nul individuel face à Enzo Jean s’avère particulièrement rugueux notamment lors des passages au sol, au point que la rencontre s’achève dans la tension et les torses bombés. « Mais bon, je passe à autre chose. De toute manière je ne suis pas quelqu’un qui me nourrit du conflit » clôt celui qui, côté études, s’apprête à relever le défi de six mois de stage à travailler avec l’INSEP et l’IRMES (Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport) sur l’indice de fatigabilité aux côtés de l’ancien -100 kg Clément Delvert, devenu doctorant Staps.

Les deux derniers mois de l’année sont l’occasion de ses deux premiers tournois depuis les mondiaux de Budapest. Et le voient céder du terrain face à ses deux principaux rivaux nationaux : deuxième à Zagreb le 14 novembre (battu par Enzo Jean) puis cinquième à Tokyo (battu par Luka Mkheidze puis par le Coréen Ha-rim Lee). Il revisionne ses combats dès le mercredi suivant et décide de voir le verre à moitié plein : « J’ai l’impression d’arriver au bout d’un gros cycle d’entraînement. Là je viens d’enchaîner une semaine de stage au Kodokan puis une semaine de stage avec l’équipe nationale du Japon. Il y avait tous les meilleurs : les quatre -60 qui ont fait Tokyo mais aussi Matsunaga, Fukuda et plein d’autres. Ça m’a permis de mettre en place tout ce que j’avais prévu de travailler, sur gaucher comme sur droitier. Ça m’a permis pas mal de prises de conscience aussi. Je termine l’année content de cette phase d’entraînement et des nouveaux axes de travail que j’en ramène. » – Anthony Diao, automne 2025. Montage photos d’ouverture : ©Peyo Diao-Thomé/JudoAKD.

 

 

 

 

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