Norbert Littkopf (1944-2024), par Annett Boehm

Né le 26 juillet 1944 à Ulrichshorst (Allemagne), Norbert Littkopf s’est éteint le 25 octobre 2024 à l’âge de 80 ans. Venu au judo à 17 ans, « Nobsch » a marqué son époque en tant qu’entraîneur de l’équipe féminine allemande réunifiée de 1990 à 2008, tant par ses résultats que par sa personnalité. Sur cette période, selon le décompte de la journaliste Birgit Arendt citée notamment par le site JudoInside, il a remporté avec ses athlètes un total de 19 titres, 15 médailles d’argent et 48 médailles de bronze en grands championnats (JO, championnats du monde, championnats d’Europe). Ces 82 podiums en haute altitude situent celui qui fut nommé Entraîneur européen de l’année en 2003 et 2004 au niveau de deux autres légendes du judo mondial récemment disparues : le Cubain Ronaldo Veitía Valdivié (1947-2022) et le Néerlandais Chris de Korte (1938-2024)… Puisqu’un professeur se reconnaît souvent à la façon dont ses élèves parlent de lui, nous avons relu les mots que l’ancienne -57 kg Yvonne Snir-Bönisch – qu’il mena au titre olympique à Athènes au milieu de trois finales planétaires consécutives entre 2003 et 2005 face à la même adversaire, la Nord-Coréenne Kye Sun-hui – lui dédia lorsqu’elle quitta ses fonctions d’entraîneure-adjointe de l’équipe féminine d’Israël pour prendre la tête de celle d’Autriche. Et nous avons demandé à son ancienne coéquipière Annett Böhm (lire JudoAKD#008), qui fut la première à nous alerter du vide laissé par la disparition de celui qui fut son mentor, de lui rendre ici l’hommage que Norbert Littkopf méritait. – JudoAKD#027

 

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Demi-finale des -70 kg en 2008 aux JO de Pékin face à une autre légende du judo mondial, le Cubain Ronaldo Veitía Valdivié. ©DR/JudoAKD

 

Première fois. « J’ai connu Norbert Littkopf à l’âge de 15/16 ans. Je suis arrivée à Leipzig en 1995, où il vivait. Il était souvent sur le tapis lorsque nous faisions randori. À l’époque, j’étais encore chez les juniors mais j’étais déjà invitée à des compétitions séniors et à des stages d’entraînement. Pour être honnête, je ne le connaissais pas encore. J’ai été impressionnée par la force de l’équipe féminine et par toutes les personnalités qui la composaient, Norbert Littkopf en tête. Il ne s’est jamais mis en avant, mais a formé son équipe pour qu’elle soit forte et sûre d’elle. J’ai trouvé cela incroyablement impressionnant. Surtout, bien que je n’aie alors que 16 ans, il m’a traitée avec respect. Avec lui, j’ai appris ce que signifie atteindre le toit du monde. Il faut s’entraîner dur, garder les pieds sur terre et ne jamais être arrogant. »

Judoka et musicien. « Norbert avait l’habitude de toujours avoir sa guitare, son accordéon et son harmonica dans la voiture chaque fois qu’il se rendait à une compétition ou à un stage – c’était sa routine. Dès que l’occasion se présentait, il les sortait et créait une atmosphère fantastique, tant au niveau national qu’international. En cela, il était unique. Il savait comment rassembler les gens, comment rendre une équipe encore meilleure sur le tapis, encore plus forte. Lors des stages nationaux où nous nous préparions pour les Jeux olympiques, les championnats du monde ou les championnats d’Europe, il y avait toujours une soirée d’équipe. Tous les athlètes d’une même catégorie de poids devaient préparer et présenter un spectacle. À chaque fois, Norbert sortait sa guitare, son accordéon, son kazoo ou sa harpe à bouche et créait une grosse ambiance au sein de l’équipe. Ces soirées étaient inoubliables. S’il se trouvait un piano dans l’hôtel pendant une compétition, c’est Norbert qui s’asseyait pour en jouer après la compétition. C’est ainsi qu’il créait des liens avec les judokas internationaux puisque nous étions tous assis autour du piano. Nous en avons souvent fait l’expérience au Japon lors du tournoi féminin de Fukuoka, par exemple.
Je n’oublierai jamais sa dernière chanson, instrumentale, à l’harmonica, avant que tout le monde ne sache que la soirée était terminée : « Time to say good bye » [« Il est temps de se dire au revoir »]. »

 

L’ultime campagne de Norbert Littkopf en 2008 aux JO de Pékin avec à ses côtés, de g. à d., Annett Böhm (-70 kg), Anna von Harnier (-63), Yvonne Bönisch (-57), Michaela Baschin (-48), Romy Tarangul (-52), Heide Wollert (-78) et Sandra Köppen (+78). ©Archives Annett Boehm/JudoAKD

 

Trois moments. « Le premier moment, c’est lorsqu’il est devenu sélectionneur national en 1990. C’était avant que je n’aie la chance de le connaître. Contre toute attente, il avait réuni les équipes féminines d’Allemagne de l’Est et de l’Ouest. Ce n’était pas facile, mais il y était parvenu. Et ça, ça a fondé toute mon admiration.
Le deuxième moment, c’est lorsque nous avons eu une divergence d’opinion sur un détail à l’entraînement. C’était peu avant un tournoi à Moscou. À la fin, j’avais gagné la médaille d’or. Nous nous sommes pris dans les bras et nous nous sommes dit : « L’or, c’est fantastique, mais si nous pouvons nous épargner ce genre de préparation à chaque fois, c’est mieux ».
Le troisième moment a sans doute été le plus émouvant : la médaille de bronze à Athènes. Je l’ai serré dans mes bras après mon dernier combat. Ce succès nous a rapprochés, encore plus qu’avant. Nous avions réalisé ce pour quoi nous travaillions depuis des années ».

Dernières années, derniers jours. « Lorsque Norbert Littkopf a mis fin à sa carrière d’entraîneur national de l’équipe féminine après les Jeux olympiques de 2008, j’ai également mis fin à ma carrière de sportive de haut niveau. Depuis lors, une nouvelle forme de relation a vu le jour. Comme il vivait à Schkeuditz près de Leipzig, je lui rendais régulièrement visite ainsi que mes anciennes coéquipières Sandra et Katja. Qu’il s’agisse d’un barbecue, d’un café ou d’un gâteau, nous ressortions toujours les vieilles histoires et en riions de bon cœur. Nous sommes toujours restés en contact étroit. Nous avons tous partagé notre nouvelle vie, la famille, les enfants, les vacances, les nouveaux défis…
Ces dernières années, nous avons également vu la santé de Norbert Littkopf se dégrader de plus en plus. Nous avons pu rester à ses côtés jusqu’à la fin. La veille de sa mort, Sandra et moi étions encore à ses côtés. Nous l’avons remercié pour tout ce qu’il avait fait pour nous et lui avons dit au revoir.
Nous ne l’oublierons jamais. Norbert Littkopf était unique : particulièrement strict et concentré sur le tapis de judo, mais toujours juste, aimant et chaleureux. Il avait du caractère et un rôle de modèle. Dans tous les aspects de l’existence, il fut et restera un exemple à suivre. » – Propos recueillis par Anthony Diao, automne 2024. Photo d’ouverture : ©Archives Annett Boehm/JudoAKD.

 

 

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Judo, guitare et kazoo : Norbert « Nobsch » Littkopf (1944-2024). ©Archives Annett Boehm/JudoAKD

 

 

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