Theódoros Tselídis – Entre Grand Caucase et mer Égée

Fiodor Nikolaïevitch Tselídi le 5 août 1996 à Vladikavkaz (Ossétie-du-Nord Alanie, Russie), le Grec Theódoros Tselídis vient au judo sur le tard, à quatorze ans. C’est en 2011, l’année du sacre de son quasi-sosie du Daghestan, le -100 kg Tagir Khaybulaev, mais aussi du deuxième des trois titres mondiaux d’Ilias Iliadis, son prédécesseur en -90 kg sous les couleurs de la Grèce. Né en Géorgie sous le nom de Jarji Zviadauri, ce dernier illumine ces championnats du monde de Paris d’une aura et d’un charisme rarement égalés. L’épaule droite recouverte d’un strap turquoise, il se permet même de jouer les interprètes une demi-heure durant pour l’auteur de ces lignes au cours d’un entretien en salle d’échauffement avec l’Azerbaïdjanais Elnur Mammadli, champion olympique des -73 kg aux Jeux de Pékin. La conversation, en mode tournante de ping-pong à trois en russe et en anglais, s’achève sur une discussion amicale sur nos récentes paternités respectives. Puis Ilias pose cette question légendaire : « C’est bon ? Tu as ce qu’il te faut pour ton entretien evec Elnur ? Parce qu’on m’appelle au micro pour ma demi-finale, là… » Une demi-finale de championnats du monde, tout de même. Elle est abordée avec un tel flegme par son tenant du titre que son issue ne peut qu’être iconique. Après avoir, pour l’asticoter, piqué le casque audio et dansé au son de la chanson fétiche du Japonais Takeshi Ono en chambre d’appel juste avant l’autre demi-finale de la catégorie, Iliadis renverse le Russe Kirill Denisov d’un maître ura-nage, ponctué d’un sourire immense et d’un mime de bébé bercé avec ses bras. Comme un clin d’oeil à notre échange à trois quelques minutes auparavant.

Pourquoi raconter cette anecdote ? Parce que la rencontre qui précède l’échange ci-dessous s’est elle aussi faite dans le cadre d’un entretien à trois. Et, comme dans la fameuse nouvelle éponyme de Sir Arthur Conan Doyle, le rôle de ‘L’Interprète grec’ y fut central.

Nous sommes en mai 2025, en partance pour le chaud soleil de Benidorm (Espagne), dans le cadre d’un portrait du Russe Inal Tasoev pour l’hebdomadaire français L’Équipe Magazine. Quelques minutes avant de monter dans l’avion, un texto de l’assistante de Tasoev nous donne les coordonnées de la personne qui assurera la traduction sur place. Il s’agit de Theódoros Tselídis, médaillé olympique des -90 kg aux Jeux de Paris dix mois plus tôt. 

L’entretien se déroule à merveille. Outre la complicité évidente entre les deux Ossètes, une même prévenance pour le confort de la photographe, Ali Sallusti, et le mien. Bouteille d’eau, chaise, ombre, les deux hommes s’enquièrent de tout. C’est eux pourtant qui, quelques minutes auparavant, sortaient tout dégoulinants de sueur de l’entraînement. Le lendemain, une session photo complémentaire, une double poignée de mains, et une promesse faite à Theódoros de se retrouver plus tard, plus loin et plus en détail… Un été a passé, le temps est venu. – JudoAKD#042.

 

 

 

 

Une version en anglais de cet entretien est disponible ici.

 

 

 

 

Mai 2025. Session photo matinale à Benidorm (Espagne), entre Ali Sallusti et Inal Tasoev. ©Anthony Diao/JudoAKD

 

 

Que t’inspire cet été 2025 ? D’ordinaire, tout le circuit enchaîne les stages de préparation pour les championnats du monde ou les Jeux olympiques. Et cette saison, c’est presque de grandes vacances pour tout le monde…

Nous sommes d’accord. C’est la première fois que je remarque un si grand espacement entre les compétitions, oui. La première année après les Jeux olympiques, la plupart des athlètes s’accordent une longue pause, moi le premier. D’ailleurs si tu regardes les résultats des derniers championnats du monde, tu verras que la plupart des gars qui ont brillé aux Jeux olympiques ont été battus tôt. Seule une toute petite minorité a réussi à prendre à nouveau une médaille, je pense au Français Gaba ou aux Japonais Murao ou Nagayama, par exemple. Ou à mon ami Zelym Kotsoiev. Les autres, les Heydarov, les Turoboyev, tous se sont inclinés rapidement…

 

Allez, rembobinons un peu. La première fois que je te remarque, c’est à Tel-Aviv, aux championnats d’Europe 2018. Tu sembles arriver de nulle part et pourtant tu te hisses sur le podium des -90 kg. Vérification faite sur JudoInside, tu as alors vingt-et-un ans et n’as jusqu’ici fait qu’un seul tournoi sur le circuit mondial, un mois avant au Grand Prix de Tbilissi. Question : où étais-tu les vingt-et-une premières années de ta vie ?

[Il rit] C’est vrai… Je suis né à Vladikavkaz, en Ossétie-du-Nord-Alanie. J’ai commencé le judo là-bas, en 2011. J’avais quatorze ans. J’ai disputé les championnats russes en cadets, en juniors et en -23 ans, mais sans jamais réussir à prendre la moindre médaille. Je n’ai pas fait partie de l’équipe nationale dans ces catégories d’âge et ça me désespérait un peu car j’avais en moi cette envie de me battre et de progresser. Or j’avais l’option de combattre pour la Grèce parce que je suis également grec par ma famille. Mets-toi à ma place, après tant de défaites en cadets ou en juniors je me suis dit : okay, peut-être que je progresserais plus vite si je commence à faire des compétitions internationales pour la Grèce. Du coup je me suis dit, allez, le championnat senior de Russie qui arrive sera mon dernier, ensuite je vais essayer avec la Grèce. Et devine quoi ?

 

Quoi ?

En bien je réussis à prendre la médaille d’argent chez les seniors ! Je n’ai jamais réussi à décrocher la moindre médaille aux championnats de Russie, que ce soit en cadets, en juniors ou en -23 ans, mais chez les seniors je remporte la médaille d’argent !

 

18 septembre 2017. Son premier et unique podium aux championnats de Russie, aux côtés d’Alikhan Tchechoev (1er) et d’Izmail Khamkhoev et Aleksander Roslyakov (3es). ©Archives Theódoros Tselídis/JudoAKD

 

 

Du coup te voici potentiellement éligible pour l’équipe nationale russe ?

Je peux aller en équipe de Russie ou en équipe de Grèce puisque j’ai aussi cette citoyenneté… D’ailleurs l’entraîneur national russe Khasanbi Taov m’appelle pour que j’aille au Grand Chelem de Tbilissi. Je suis vraiment embêté parce que, ne pensant pas faire ce résultat, je m’étais déjà engagé avec l’équipe de Grèce.

 

Comment gères-tu cette situation ?

J’ai menti. C’est pas bien, je sais, mais sur le coup j’ai menti. Je lui ai dit que j’étais blessé. Ce n’est qu’ensuite que j’ai fini par appeler pour m’excuser et annoncer que je m’étais engagé avec la Grèce. Ils m’ont souhaité bonne chance et j’ai pu me tourner vers la Grèce.

 

Comment s’étaient passées les discussions avec la Grèce ?

J’avais appelé Nikos Iliadis, l’entraîneur. Je lui ai dit que j’étais également citoyen grec, que je voulais combattre à l’international et que s’il y avait une possibilité pour moi, ce serait parfait. Il a tout de suite dit oui et m’a immédiatement inscrit sur le Grand Chelem de Tbilissi, en avril 2018. C’est ma toute première compétition internationale. Je n’avais aucune expérience à ce niveau avant ça, à par quelques tournois régionaux en Russie ou les championnats russes. Me voici dans la peau de l’outsider. Personne ne connait mon style, personne ne sait qui je suis. Au fond de moi, un grand désir de montrer ce que je vaux. D’où cette médaille européenne dès ma deuxième sortie internationale.

 

Oui, c’est une surprise pour tous les observateurs présents. Était-ce facile de changer de nationalité ? Parfois le pays formateur peut exiger de te faire attendre trois ans, par exemple.

Dans mon cas, c’est différent parce que je ne suis entré en équipe nationale que fin 2017, après les championnats russes. Et je n’ai même jamais combattu internationalement pour la Russie. La règle que tu mentionnes concerne les athlètes qui se battent déjà internationalement pour un pays. Ce n’était pas mon cas et c’est pourquoi j’ai pu y aller sans cette fameuse « quarantaine » de trois ans.

 

 

Avec Zelym Kotsoiev et Kazbek Tsagaraev, l’entraîneur principal du club de Vladikavkaz. ©Archives Theódoros Tselídis/JudoAKD

 

Tu dis avoir commencé le judo à quatorze ans. C’est assez tard…

Oui mais je me suis très vite adapté parce que j’étais physiquement préparé. Avant le judo j’ai fait deux ans de wushu et six ans de taekwondo, où j’étais ceinture rouge et noire. Ces disciplines m’ont beaucoup aidé pour le judo. Nous faisions beaucoup d’étirements et cela m’a donné une grande souplesse de jambes.

 

C’est marrant parce que j’ai récemment interviewé le +100 kg Temur Rakhimov du Tadjikistan. Lui aussi a commencé par le taekwondo…

Ah oui ? Il a le profil d’un gars qui vient du taekwondo, je te confirme [sourire]. Il est très grand. Ils ont besoin de gars grands avec de longues jambes… Moi j’étais un peu différent. Ce n’était pas un bon sport pour moi parce que j’ai les bras courts et les jambes courtes. Le judo me convient mieux.

 

Est-ce que le fait de ne pas avoir réussi à intégrer l’équipe nationale russe est lié au fait d’avoir été contemporain de pointures comme Mikhail Igolnikov, par exemple ?

Je suis effectivement de la même génération qu’Igolnikov et je te confirme que ça a toujours été un client. Il y avait aussi d’autres gars très forts. Donc je perdais souvent. J’ai dû faire septième aux championnats russes juniors, ou au mieux cinquième. En tout cas je ne suis jamais parvenu à intégrer l’équipe nationale… Mais finalement ça a peut-être été un mal pour un bien. Si j’avais combattu pour l’équipe de Russie en juniors ou en -23 ans, j’aurais sans doute eu à patienter trois ans avant de pouvoir défendre les couleurs de la Grèce – et peut-être même que j’aurais renoncé. Pour moi tout s’est enchaîné parfaitement, au final.

 

Tu ne combattais pas à l’international, mais est-ce que tu t’entraînais avec l’équipe nationale à Sotchi, par exemple ?

J’ai fait deux stages nationaux, un alors que je n’étais pas dans l’équipe et le deuxième alors que je venais d’y entrer… Juste avant mon départ donc.

 

Et donc tu connais ce départ tonitruant en 2018 avec cette première médaille européenne dès ta deuxième sortie internationale. L’effet de surprise passé, les choses semblent s’être un peu corsées. Il te faut attendre les Europe de Sofia, en 2022, pour à nouveau goûter aux joies d’un podium continental. Pourquoi une si longue attente ?

Après les Europe 2018, je fais encore quelques médailles. Mais assez vite la concurrence commence à s’adapter à mon style. Je commence à perdre genre trois ou quatre compétitions d’affilée. C’est quelque chose de nouveau pour moi à l’international et je me sens un peu perdu. Là-dessus nous allons au stage international de Mittersill où, malheureusement, je me blesse gravement au genou. Je me fais opérer et me retrouve privé de compétition près d’un an. Et quelques mois à peine après mon retour, la pandémie nous renvoie tous chez nous… En fait que ce n’est que deux ans après la blessure que je commence à ressentir que cette jambe convalescente est à nouveau la mienne. Petit à petit la confiance en mes moyens revient. Jusqu’aux Europe de Sofia où, quatre ans après Tel-Aviv, je monte enfin sur un nouveau podium continental. Ce jour-là, je suis heureux et fier de moi. Conscient à la fois du chemin parcouru et de tout ce qu’il me reste à accomplir.

 

 

Paris, 31 juillet 2024. La saveur venue de loin d’un premier bronze olympique. ©Paco Lozano/JudoAKD

 

Tu es diplômé en Économie politique internationale. Est-ce dans ce cadre que tu as appris à aussi bien parler anglais ?

Dans ma faculté l’anglais était la matière principale, oui. Mais même avant cela, j’avais un tuteur. Ma mère a toujours été très stricte là-dessus : tu fais ce que tu veux, mais au moins donne-toi les moyens de communiquer en anglais. C’est la matière principale pour l’économie mondiale. Je pouvais choisir soit le français, soit l’espagnol soit l’anglais, mais j’ai choisi l’anglais parce que je le connaissais déjà un peu. Mais bientôt, peut-être que je vais aussi commencer à étudier le français parce que c’est une langue qui m’a toujours attiré. Et ma mère adore la France, elle m’a toujours dit « tu dois connaître cette langue« .

 

D’où lui vient cet attrait ?

Elle a été élevée en Union soviétique. En Union soviétique, la plupart des films diffusés étaient des films français. Cette génération a moins grandi avec la culture américaine qu’avec la culture française.

 

La Russie, l’anglais, la France… Quid de la Grèce, alors ? 

À Vladikavkaz, là où je vis, il y a une grande communauté grecque. Il y a même un club où tu peux étudier le grec. Le problème c’est que les cours tombaient pile au moment où j’avais entraînement, c’est-à-dire en général vers six heures du soir. Les premières années, je ne faisais que de brefs passages en Grèce, principalement pour des documents et quelques compétitions. Le reste du temps je me préparais en Russie même si je combattais pour la Grèce. Ce qui ne me donnait pas beaucoup d’opportunités d’apprendre le grec.

 

As-tu connu le même moment de solitude qu’avait connu Ilias Iliadis quelques minutes après son titre olympique en 2004 à Athènes lorsque, interviewé en direct par la télévision de sa patrie d’adoption, il a dû admettre qu’il ne parlait pas encore la langue ?

Oui, au moment de recevoir ma médaille aux Jeux olympiques de Paris je ne pouvais communiquer qu’en anglais ou en russe avec les médias grecs. J’en ai ressenti un grand sentiment de honte. C’est à compter de ce jour-là que j’ai pris la décision de commencer à étudier le grec très sérieusement. Depuis je prends des cours trois fois par semaine… Je suis parti de zéro mais il faut bien comprendre que jusqu’alors c’était soit l’entraînement soit les cours de grec. Il n’y avait pas d’autre option.

 

 

Paris, août 2024. Aux abords de l’Arena Champ-de-Mars aux côtés de son entraîneur Nikos Iliadis et de l’ancien champion du monde junior Alexios Ntanatsidis. ©Paco Lozano/JudoAKD

 

Comment s’est passée la période covid pour toi ? Tu l’as vécue en Russie ou en Grèce ?

Je suis resté en Russie. C’était une période difficile pour les judokas car nous devions essayer de rester prêts et les compétitions étaient annulées les unes après les autres. Je suis resté à la maison et Dieu merci j’ai une petite salle de sport chez moi, donc je m’entraînais juste là… Lorsque les compétitions ont repris, nous avons été mis en quarantaine à plusieurs reprises, et cela nous a privé de points précieux dans la dernière ligne droite pour les Jeux olympiques de Tokyo. Au Grand Chelem de Tel-Aviv, par exemple, en février 2021, une moitié de mon avion s’est retrouvée en quarantaine pour avoir voyagé avec un gars qui était malade. J’ai également manqué le Grand Chelem de Tbilissi car j’avais de la température. Ces deux compétitions étaient cruciales pour prendre des points. Même si ma blessure m’avait longtemps tenu éloigné des tapis, j’avais encore une chance d’aller aux Jeux mais le covid m’a beaucoup compliqué les choses. Ce n’était pas facile à vivre.

 

Aujourd’hui vis-tu principalement en Ossétie ou en Grèce ?

C’est du 50-50 maintenant. Quand j’ai besoin de m’entraîner, je privilégie Vladikavkaz. C’est l’un des meilleurs clubs en Russie. Nous avons à présent un double champion du monde des +100 kg en la personne d’Inal Tasoev, ainsi qu’un champion olympique et champion du monde des -100 kg pour l’Azerbaïdjan, Zelym Kotsoiev. Nous avons aussi le champion d’Europe 2017 Alan Khubetsov, ainsi que son grand rval de l’époque, le double médaillé européen Aslan Lappinagov. Et puis nous avons surtout Tamerlan Tmenov, la légende des poids lourds, double médaillé olympique, quadruple médaillé mondial et septuple champion d’Europe. Pour moi c’est mieux de m’entraîner là-bas.

 

Tu étais quinzième à la ranking mondiale avant les Jeux olympiques de Paris. As-tu eu peur de ne pas te qualifier ? 

J’ai douté, oui, surtout après avoir déjà manqué les Jeux de Tokyo. Je me suis qualifié dans la dernière ligne droite. J’ai eu une bonne période après ma médaille européenne de 2022,  mais assez vite mes résultats sont à nouveau devenus irréguliers. Il a fallu attendre le mois de mars 2024 pour que je remporte à Tachkent mon tout premier titre en Grand Chelem. Cette victoire m’a redonné la confiance après laquelle je courais depuis de longs mois. Juste après j’ai à nouveau accroché un podium au Grand Chelem de Tbilissi et c’est là que j’ai su que ça allait le faire pour Paris. Je savais que je ne serai pas le favori  mais dans ma tête c’était : si j’y vais au dernier moment et que je suis en forme, peut-être que je peux devenir l’outsider et surprendre tout le monde. Cela m’a retiré toute pression inutile.

 

Y compris depuis la Grèce ? Parce que la dernière fois que le pays a eu un -90 kg aux JO, ça remonte aux Jeux de Rio avec Ilias Iliadis…

C’est une histoire différente, au moment des Jeux de Paris. En Grèce, l’attention est alors surtout sur ma collègue Elisavet Teltsidou en -70 kg. Elle était alors vice-championne d’Europe, cinquième aux championnats du monde et numéro Une au classement mondial. Pour les médias grecs, elle est la favorite pour les Jeux olympiques… malheureusement.

 

Pourquoi malheureusement ?

Parce que je pense que ces attentes de tout un pays lui ont mis trop de pression. Elle s’incline au premier tour contre Gabriella Willems. Certes la Belge lui a toujours posé problème mais je suis convaincu que sans toutes ces attentes elle serait allée chercher cette médaille olympique.

 

Est-ce que le fait que vous entriez en lice le même jour a contribué à alléger la pression sur tes épaules, proportionnellement à elle ?

Complètement. Toute l’attention était sur elle et ça c’était parfait pour moi. Honnêtement, j’aurais été bien incapable de gérer les attentes qui étaient sur ses épaules à elle.

 

Paris, 31 juillet 2024. Quelques mots de réconfort pour l’inconsolable Serbe Nemanja Majdov, frustré d’être éliminé sans avoir pu s’exprimer. ©Paco Lozano/JudoAKD

 

À Paris, ce 31 juillet 2024, tu réponds présent. Il y a notamment ce combat difficile avec Nemanja Majdov où le Serbe finit furieux contre l’arbitrage et qui lui vaudra une suspension par la suite pour s’être signé avant de monter sur le tapis… Et puis il y a ce quart de finale avec Maxime-Gaël Ngayap Hambou, le Français. T’attendais-tu à le voir à ce niveau, ce jour-là ? 

Honnêtement, oui. Je l’avais pris sur le stage de Tokyo et je sentais déjà que ce gars était très fort. Très fort et aussi « fou », mais dans le sens positif du terme, genre qui se bat avec son cœur. D’ailleurs juste après qu’il ait battu le Géorgien Bekauri au Grand Chelem de Paris 2023, j’ai dit : ce gars c’est sûr qu’ils le préparent pour les Jeux olympiques parce qu’il a toutes les capacités. Et comme, en tant que nation hôte, sa catégorie était qualifiée d’office pour les Jeux olympiques, ils ont commencé à le cacher. Il n’a pas combattu beaucoup jusqu’aux Jeux, et tactiquement c’était une stratégie parfaite. Même si la France avait aussi Alexis Mathieu, qui est lui aussi super fort et très technique, ils ont quand même choisi Maxime-Gaël. Et tu vois à Paris, il a choqué tout le monde. Mais je m’y attendais de sa part.

 

Oui et il semble ne pas se contenter de ce podium olympique puisque cette saison il a pris l’argent aux championnats d’Europe de Podgorica.

Ça confirme que ce n’était pas juste de la chance aux Jeux olympiques. D’ailleurs, pourquoi ils le choisissent, lui ? Je crois que lui comme Joan-Benjamin Gaba étaient les meilleurs choix, parce qu’aux Jeux olympiques tu as besoin de courage et de confiance en toi pour aller prendre la médaille, et tous les deux ont le caractère pour ça. Et puis regarde Gaba : en un an il a pris deux médailles européennes, deux médailles olympiques et l’or mondial. Et seulement une médaille en Grand Prix, à côté de ça. Donc c’est le gars pour les grands championnats, comme Maxime-Gaël. Ils ont ce caractère. Ce sont des combattants. Or le sens du combat, c’est la chose la plus importante en judo, spécialement aux Jeux olympiques. Ne pas avoir peur de soi-même et donner sa pleine puissance le jour J, même des favoris s’y cassent les dents.

 

Un quart de finale olympique à pleine puissance face au Français Maxime-Gaël Ngayap Hambou. ©Paco Lozano/JudoAKD

 

Quand tu t’inclines contre Maxime ce jour-là aux Jeux olympiques, comment te remotives-tu pour les repêchages, ensuite ?

Je me dis à moi-même que ce n’est pas cette défaite qui importe, à cet instant. Ce sont les JO, la compétition la plus importante. Si je commence à m’apitoyer sur cette défaite, alors je vais perdre aussi les repêchages et la médaille olympique derrière. Ce n’est juste pas le moment d’être négatif, en fait. Alors j’ai immédiatement oublié ça, je me suis dit que j’aurai tout le loisir d’y repenser plus tard. Là, tout de suite, j’ai une chance unique de prendre une médaille olympique et je veux la jouer à fond. Pour cela, j’ai besoin de me concentrer pleinement sur mon repêchage et mon combat pour le bronze. La défaite contre Maxime, je l’ai ôtée de mon esprit. J’ai perdu ? J’ai perdu, tant pis. J’ai eu cinq minutes de colère, pas plus.  Après j’ai complètement switché et me suis concentré sur les deux combats qui me séparaient encore de la médaille de bronze.

 

Est-ce que le fait de savoir ton ami Inal Tasoev en tribunes t’a réconforté ?

Ça aussi ça a contribué à rendre cette journée spéciale… Tu sais, quand nous avons appris que la Russie n’irait pas aux Jeux olympiques, nous étions en stage en Espagne tous ensemble. Zelym Kotsoiev et moi, nous avons vu le désespoir d’Inal et comment il a immédiatement arrêté de s’entraîner. Nous n’osions même pas le regarder. À notre retour à Vladikavkaz, idem. Nous n’avons pas essayé de communiquer avec lui parce qu’il était très déçu. Il était en colère et dévasté… Mais au bout d’un moment il nous a dit : « Les gars, je vais venir à Paris pour vous encourager« . S’il est venu, en gros, c’est pour Zelym et moi. Pour moi ça a été un tournant, d’autant qu’il a aussi dit à tout notre groupe qu’il était certain que je reviendrai avec une médaille. Cette confiance qu’il a placée en moi m’a beaucoup aidé mentalement. Il était derrière moi à chaque combat. Chaque fois que je m’avançais pour un combat, je le cherchais du regard dans les tribunes et j’entendais aussi toujours ce qu’il disait. La seule fois où je n’ai pas réussi à entendre ce qu’il me disait, c’est face à Maxime-Gaël. Tous les Français l’encourageaient. Le bruit était assourdissant et je ne pouvais rien entendre… Inal, c’est quelqu’un qui est capable de m’apaiser en un mot. Et sur ce combat-là face à Ngayap, je n’ai pas réussi à entendre ce qu’il me disait. J’ai fait une erreur et je me suis incliné.

 

Paris, 1er août 2024. Une team Vladikavkaz dans les tribunes de l’Arena-Champ de Mars : autour de Zelym Kotsoiev, tout frais champion olympique des -100 kg pour l’Azerbaïdjan, son jeune frère Aslan, Inal Tasoev, son entraîneur Irbek Viktorovich Aylarov, Theódoros et le -73 kg des Emirats Arabes Unis Karim Abdulaev (frère à la ville d’Islam Makhachev, le champion UFC). ©Archives Theódoros Tselidis/JudoAKD

 

Vous vous êtes reparlés pour les repêchages ?

Oui. Juste avant le combat pour le bronze, Inal est venu me trouver en salle d’échauffement. C’est une histoire intéressante, d’ailleurs.

 

Vas-y, raconte…

Il n’avait pas d’accréditation mais une des personnes qui gérait l’accès a reconnu Inal et l’a laissé entrer. C’est comme ça qu’il a pu me motiver pour le combat pour le bronze.

 

Que t’a-t-il dit ?

J’affrontais l’Espagnol Mosakhlishvili. Inal m’a dit : « Tu n’es pas favori donc toute la pression sera sur lui. Tu n’as pas à t’inquiéter. Reste calme et laisse-le ressentir la pression. Tout le monde attend de lui qu’il gagne la médaille. Toi tu as juste à combattre comme tu sais le faire et tu vas gagner. Pour toi ce n’est rien qu’un combat comme un autre. Donc juste : combats, et tu vas prendre la médaille. »

 

Comment as-tu accueilli ce conseil ?

Ses mots m’ont donné le calme et la sérénité dont j’avais besoin. Et finalement ça s’est passé comme ça. L’Espagnol avait la pression. Pas moi. C’est pourquoi j’ai été capable de mieux combattre.

 

Paris, 31 juillet 2024. Une médaille olympique toute en égards pour son ultime vaincu du jour. ©Paco Lozano/JudoAKD

 

Comment s’est passé le retour des JO ? Es-tu rentré d’abord en Grèce ou en Russie ?

Je suis retourné en Grèce. C’était fou. J’ai eu beaucoup de chance parce que c’était la première médaille pour la Grèce dans ces Jeux olympiques, et après ça pendant environ trois jours il n’y a pas eu d’autre médaille grecque. J’étais donc au centre de l’attention et ça a permis aux gens en Grèce de mieux découvrir qui j’étais… L’accueil a été énorme. Il y avait des caméras, la télé, et même le ministre des Sports est venu à ma rencontre. C’était un très grand honneur pour moi.

 

Comment se passe le retour sur terre, ensuite ? Est-ce facile de revenir à l’entraînement ou la motivation est comme-ci comme-ça ?

Ma carrière jusqu’alors avait été assez difficile avec les blessures et avec le changement de pays, notamment. Et, comme je n’avais pas réussi à me qualifier pour Tokyo, je ne me suis pas reposé. Pas même un jour. J’ai immédiatement repris l’entraînement. Donc après Paris je sortais de presque huit ans d’entraînement sans repos… Je me suis dit : il y a zéro chance que je recombatte cette année. Là j’ai juste besoin d’avoir du repos, un grand repos. Psychologiquement j’étais juste épuisé.

 

Combien de temps as-tu coupé ?

J’ai arrêté de m’entraîner d’un coup, jusqu’en janvier. Je n’allais même pas à la salle de sport. Je ne pouvais pas. Mentalement et physiquement. Et j’ai pris beaucoup de kilos, intentionnellement.

 

Combien ?

Je suis monté à 105 kg.

 

Ah oui, tu n’as pas fait semblant !

Je suis rapidement devenu un gros gars, oui. Mais après, bien sûr, quand je me suis calmé, quand j’ai senti que je voulais finalement combattre à nouveau, j’ai commencé à m’entraîner très lentement à partir de janvier, je pense. Cette année, je savais que je n’aurais pas de résultats sérieux parce que le judo, c’est le judo. Pour moi, la chose la plus importante cette année était juste de perdre mon poids. Maintenant que ça va mieux à ce niveau, je recommence à me préparer sérieusement pour la suite.

 

Paris, 31 juillet 2024. Un podium olympique des -90 kg à montrer plus tard aux petits-enfants en mode When we were kings, aux côtés du Japonais Sanshiro Murao (2e), du Géorgien Lasha Bekauri (1er) et du Français Maxime-Gaël Ngayap Hambou (3e). ©Paco Lozano/JudoAKD

 

Nous avons beaucoup évoqué Ilias Iliadis. Tu es en contact avec lui ?

Bien sûr. Au judo, il est un modèle pour beaucoup de monde, pas seulement pour moi. Dès que j’ai commencé le judo, un gars est venu me voir et m’a dit : si tu es grec, il faut que tu saches qu’il y a un gars de là-bas qui est incroyable. Alors je l’ai googlisé et la vérité c’est que j’étais en état de choc. Quelle bête ! Et depuis ce premier jour il est devenu mon judoka favori.

 

Vous vous êtes rencontrés, j’imagine. Comment ça s’est passé ?

J’étais presque abasourdi. Je ne pouvais rien dire parce que j’étais en état de choc, genre Ilias est ici et il parle avec moi, quoi. J’ai découvert quelqu’un de très humble et il m’a beaucoup aidé pendant ma carrière. Quand il était entraîneur en Ouzbékistan, il m’a invité à venir m’entraîner là-bas. Il était très hospitalier avec moi. Ses conseils ont contribué à me donner encore plus d’expérience.

 

Quand il est venu en France pour la première fois pour une masterclass à l’INSEP, j’ai eu la chance d’être son partenaire et son traducteur. J’avais l’image d’un judoka tout en puissance et j’ai découvert un sens du placement parfait. 

Les gens pensent qu’il est plus fort que technique mais j’ai toujours pensé l’inverse. Bien sûr, il avait une puissance insensée, mais aussi il ressentait beaucoup le judo, beaucoup, et avait de très grandes projections genre seoi nage debout à la Koga. C’est très difficile de le contrer. Et puis il a une telle confiance en lui. Je pense que ça lui vient de l’intérieur. Genre, il est né pour ça. Et il sent qu’il est né pour ça.

 

Tu fais toi-même des masterclass ? 

J’ai commencé récemment, après les Jeux olympiques. En Grèce, j’ai pris part à pas mal de démonstrations pour les enfants. Juste après les championnats du monde de Budapest, j’ai été invité en Slovénie avec d’autres athlètes comme les Canadiens Christa Deguchi et Kyle Reyes et le Japonais Kiyoshi Harasawa. Nous avons donné une masterclass là-bas et j’ai beaucoup apprécié l’expérience. À voir ensuite si d’autres opportunités se présentent. J’ai un judo peu académique, c’est toujours intéressant de l’expliquer aux gens.

 

Tu as des sponsors qui te suivent sur ta carrière ?

Oui, notamment depuis les Jeux olympiques. En Grèce, tu dois trouver des sponsors. C’est quelque chose de nouveau pour moi qui ai été habitué au système russe où tout est pris en charge par le gouvernement, l’armée ou la police. En Grèce, tu dois trouver des sponsors par toi-même. La médaille aux Jeux de Paris m’a bien aidé en ce sens qu’elle m’a permis de signer avec deux sponsors, la Banque nationale de Grèce et Stoiximan, un organisme de paris en ligne. Cela me rend la vie beaucoup plus facile. J’ai beaucoup plus de motivation pour m’entraîner parce que maintenant je me sens économiquement mieux. Je pense que ça va m’aider à obtenir de meilleurs résultats sur ce cycle vers Los Angeles. Je n’aurai pas à me préoccuper de ce que je dois faire pour gagner de l’argent. Je vais juste pouvoir me concentrer sur l’entraînement.

 

Et ta fédération est sous contrat avec Fighting Films, c’est ça ?

Oui, et nous allons combattre en judogi Fighting Films. Tu sais, avec la Grèce, c’est une grande histoire avec cet équipementier, parce qu’Ilias a longtemps été l’ambassadeur de Fighting Films.

 

Nikos Iliadis, trait d’union sur la chaise des -90 kg entre les années de son protégé Ilias et celles auprès de Théódoros. ©Paco Lozano/JudoAKD

 

En préparant l’entretien, j’ai lu que quand tu étais plus jeune, tu étais un grand fan d’Akimoto et de Tchrikishvili. Pourquoi eux ?

Au début, mon judoka favori après Ilias, c’était Varlam Liparteliani. J’ai vu son kata guruma à Tcheliabinsk en finale des championnats d’Europe 2012 face à Grigorii Sulemin. Derrière, je l’ai essayé à mon tour, et j’ai immédiatement senti ça. C’est ma projection favorite depuis lors… L’année suivante j’ai commencé à prêter attention à un autre Géorgien, Avtandili Tchrikishvili. Et il est immédiatement devenu mon athlète favori.

 

Qu’est-ce qui t’a plu chez lui ?

De lui, j’ai pris cette idée que tu dois savoir combattre à droite et à gauche. Tout ce que Tchrikishvili faisait, il était capable de le faire des deux côtés. Le même style, à droite et à gauche. Alors j’ai commencé moi aussi à pratiquer toutes mes projections à droite et à gauche. Et jusqu’à aujourd’hui, grâce à Tchrikishvili, je répète tout à droite et à gauche. Même si je ne lancerai pas forcément le mouvement en compétition, j’ai besoin de le sentir de l’autre côté. Cette idée était, pour moi, très importante.

 

Le judo français se souvient de lui comme le grand rival de Loïc Pietri à cette époque-là. C’est un judoka qui dégageait beaucoup de sérénité.

Oui j’aimais son attitude en tant qu’athlète. Il était très calme. Il ne criait jamais, ne montrait jamais d’émotions. Crier, pour moi qui ai été élevé dans le Caucase, c’est le plus mauvais comportement qui soit. C’est pour ça que j’aimais son attitude.

 

Et Hiroyuki Akimoto, alors ?

Lui, je l’ai découvert encore après, et il est à son tour devenu mon athlète favori. J’étais bluffé par rapport à la façon dont il combattait. Quand il était en forme, il ne laissait aucune ouverture à ses adversaires. Il attaquait tout le combat, c’était invraisemblable. Je me souviens d’une fois où il combattait contre l’Israélien Sagi Muki. C’était au Grand Chelem de Tokyo. J’ai compté : il a fait genre quinze attaques d’affilée. À droite, à gauche, seoi nage à droite, seoi nage à gauche. De tous les côtés. Le rythme était fou. Quand Muki est sorti de ce combat, il ne savait même plus où il habitait… Quand j’ai vu ça, j’ai dit, oh, je veux combattre comme ça. C’est là qu’est née mon envie d’attaquer tout le temps, tout le temps, tout le temps. Ne donner aucune chance à l’adversaire… Après, je sais que je ne peux raisonnablement pas espérer tenir sa cadence, parce que, tu sais, tu as besoin d’une endurance folle pour combattre comme ça. Et ce n’est pas mon cas. Mais son approche m’anime toujours. Il est mon judoka favori.

 

Paris, 31 juillet 2024. D’humeur égale dans la victoire comme dans la défaite. « Crier, pour moi qui ai été élevé dans le Caucase, c’est le plus mauvais comportement qui soit. » ©Paco Lozano/JudoAKD

 

Avec tes médailles européennes et ton podium olympique, tu est sans doute devenu toi aussi un modèle pour certains judokas. Qu’entends-tu leur laisser en héritage ?

Tu sais, je n’ai jamais eu le sentiment d’être un judoka talentueux. Je n’ai jamais « ressenti » les choses. Je suis un bosseur. Pour être bien, j’ai besoin de m’entraîner beaucoup, tant au niveau du kumi kata que de mes projections. Alors si dois faire passer un message, c’est celui-ci : oui c’est possible de prendre des grosses médailles même sans grand talent au départ. En misant surtout sur de bonnes tactiques et beaucoup d’entraînement, tu as tes chances toi aussi. C’est cela l’idée que je veux montrer aux jeunes athlètes. Réfléchis, prépare-toi pour chacun de tes adversaires, entraîne-toi pour t’étoffer physiquement et alors tu seras toi aussi capable de prendre des médailles aux Jeux olympiques, aux championnats d’Europe ou aux championnats du monde – un niveau où je n’ai pas encore de médaille mais c’est sur ma liste.

 

Et si tu devais parler au Fiodor qui a commencé le judo à quatorze ans, quel conseil lui donnerais-tu, quinze ans après ? 

Ne pas chercher à copier tout le monde. Prendre juste le meilleur d’eux et te forger ton propre style à partir de là. Au début de ma carrière, je voulais juste copier les meilleurs athlètes, rien de plus. Je ne voulais rien de moi-même puisque je pensais que reproduire ce que faisaient les autres était suffisant. Aujourd’hui je dirais : prends les bonnes choses de tes modèles mais pense aussi à trouver ton propre style. Quelque chose qui est propre à toi et à toi seul.

 

Quand as-tu trouvé ton propre style, d’ailleurs ?

C’est au moment des Europe de Sofia, en 2022. J’avais déjà eu un aperçu en 2018, mais c’est après Sofia que j’ai compris que, oui, j’ai besoin de me concentrer davantage sur les techniques atypiques. Mon judo atypique reste ma meilleure chance d’aller chercher de grosses médailles. Pour d’autres c’est un judo à part. Pour moi, c’est juste le mien. – Propos recueillis par Anthony Diao, été-automne 2025. Photo d’ouverture : ©Paco Lozano/JudoAKD.

 

 

 

Une version en anglais de cet entretien est disponible ici.

 

 

 

Lire aussi, en français :

 

Et aussi :

 

 

 

 

JudoAKD – Instagram – X (Twitter).

 

 

 

 

Partager

A lire sur JudoAKD